Francis Hervé Eyalla Saba, président éxecutif du Réseau national des consommateurs du Cameroun.
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Francis Eyalla : «le gouvernement prescrit à Eneo d’annuler toutes les factures des consommateurs»

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La grogne des consommateurs face aux surfacturations a conduit le gouvernement camerounais à sanctionner Eneo. Président du Réseau National des Consommateurs du Cameroun (RNC), Francis Hervé Eyalla Saba était à la table des discussions le 21 juillet 2020 à Yaoundé entre le ministre de tutelle, l’Agence de régulation du secteur de l’électricité (Arsel) et le Dg d’Eneo. Dans cette interview accordée à « La Plume de l’Aigle » et à « La Voix du Koat », le défenseur des droits des consommateurs camerounais revient sur les prescriptions du gouvernement à l’entreprise. 

Monsieur le président, que retenir de la séance de travail convoquée le mardi 21 juillet 2020 par le régulateur du secteur de l’électricité au Cameroun ?

Nous avons effectué une mission de travail qui consistait à descendre chez certains consommateurs ciblés d’avance, pour constater les fraudes en matière de consommation de l’électricité. C’est l’Arsel (Agence de régulation du secteur de l’électricité) qui a convoqué cette mission et qui l’a coordonnée sur le terrain. Il s’agissait de nous montrer les éléments de preuves des fraudes des consommateurs. C’était une bonne mission qui nous a amenés à toucher du doigt la question de la fraude et à s’y intéresser. Pour nous, c’était une interpellation d’Eneo, qui estime que si  nous les associations de défense de consommateurs leur demandons de régulariser et d’indemniser les consommateurs à cause des problèmes de facturation estimative, nous devons les aider à combattre la fraude. De manière à ce que les fraudeurs dédommagent également. C’est la lecture que j’en fais en tout cas. Même si nous ne sommes pas une association qui va en guerre contre les consommateurs.

Qu’est-ce qui ressort de cette descente ?

De cette mission convoquée par l’Arsel sous la demande d’Eneo, nous retenons notamment qu’il y a 11.000 fraudeurs au Cameroun, selon Eneo. Eneo estime donc que ces 11.000 doivent faire l’objet d’une attention particulière des associations de consommateurs. Nous leur disons que nous sommes partie prenante. S’il faut construire ensemble, nous sommes d’accord, mais il faut que chacun joue son rôle. Nous sommes une association qui protège le consommateur.

Eneo multiplie les communiqués relatifs à un nouveau départ avec les consommateurs. Avez-vous l’impression qu’elle veut réellement changer la donne ?

Jusqu’à lundi 20 juillet, nous avions l’image d’Eneo d’une entreprise irresponsable qui ne ménage pas du tout le consommateur. Une entreprise fermée à la communication. Même si Eneo fait des communiqués, ce n’est  pas de la communication, mais du monologue. Il y a communication quand on a en face des interlocuteurs qui réagissent. Eneo peut envoyer un million de communiqués, c’est du monologue. Hier 21 juillet était la première fois que le régulateur, Eneo, et les associations de défense des consommateurs étaient devant le ministre de l’Energie et de l’eau pour discuter des questions de fond du secteur. C’est une grande avancée. Eneo est une entreprise qui a démontrée jusqu’ici qu’elle voulait gagner de l’argent sans ménager le consommateur, c’est-à-dire être attentif à ses récriminations, être à son écoute, ne lui faire payer que le juste de sa consommation. Depuis janvier qu’Eneo a entamé la relève estimative, on enregistre un pic en matière de plaintes. C’est incroyable. On n’a jamais reçu autant de plaintes. Depuis 2014 qu’ils sont au Cameroun, il n’y a jamais eu autant de plaintes. Le problème ce sont les relèves estimatives.

Eneo a pourtant annoncé la fin des relèves estimatives des factures…

Il faut marteler cette vérité, les relèves estimatives ne sont pas autorisées par les lois camerounaises, pourtant elles ont été appliquées par Eneo. Elles sont donc nulles et de nul effet. C’est pour cette raison que pour sanctionner Eneo, le gouvernement camerounais a demandé d’annuler toutes les factures adressées aux consommateurs et de leur reverser 50% de la dernière facture reçue en termes de dédommagement, et de retourner dans les ménages faire une relève, puis payer la totalité du montant de la nouvelle facture qui correspond à la relève exacte. En français facile, vous avez reçu une facture de 10.000 FCFA, Eneo doit vous reverser 50% de cette facture comme dédommagement, soit 5000 FCFA. Eneo doit par la suite annuler cette facture, revenir chez vous pour faire une relève effective sur votre compteur. Cette nouvelle relève qui va donner lieu à une nouvelle facture est entièrement payée par Eneo. C’est ce que le gouvernement exige à Eneo. Et cette prescription devrait être effective depuis le 1er juillet 2020. Eneo s’entête. C’est pour cette raison que nous étions à Yaoundé hier (mardi 21 juillet) chez le ministre, pour demander à Eneo où il en est avec les directives du gouvernement.

Où en est donc Eneo ?

Le Dg d’Eneo, la main sur le cœur a dit : «nous allons respecter scrupuleusement les mesures édictées par le gouvernement. D’ailleurs, elles sont appliquées depuis lundi dernier (20 juillet).» Au sortie de cette réunion, nous avons envoyé nos équipes sur le terrain, vérifier si les affirmations du Dg sont exactes. D’ici demain, nous pourrons vous dire si sur l’étendue du territoire, les 300 enquêteurs ont fait le constat du respect de ces prescriptions du gouvernement. Le ministre a demandé que le traitement se fasse au cas par cas, parce qu’il y a un principe général. Mais il peut arriver qu’il y ait des spécificités. C’est-à-dire qu’il peut arriver qu’au lieu de dédommager un consommateur, Eneo décide de payer toute sa facture du mois prochain, pour qu’on ne fasse pas de rétro pédalage. Nous avons lancé l’appel aux consommateurs de nous remonter leurs requêtes, que nous adressons directement à Eneo. Et nous suivons tous ces cas.

Entretien avec Didier Ndengue et Valgadine Tonga

Lire aussi: Energie électrique: les consommateurs grondent, Eneo recule

 

 

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