Paul Chouta, lancer d'alertes camerounais en danger
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SOS : se sentant en danger de mort au Cameroun, le lanceur d’alertes Paul Chouta saisit Paul Biya

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L’intégralité de la lettre ouverte au président de la République.

Yaoundé, le 26 janvier 2023

À l’attention de Monsieur le Président de la République du Cameroun, S.E. Paul BIYA

Objet : Informations sur les menaces graves qui pèsent sur ma sécurité du fait de mon activité citoyenne et républicaine de dénonciation des pilleurs arrogants de la fortune publique

Je suis Paul Chouta, lanceur d’alerte, militant des droits humains et cyber Journaliste Camerounais résidant à Yaoundé. J’officie pour le site d’information Camerounweb.com

Excellence,

Je viens vous exposer les  réalités que je traverse dans le cadre de mon travail et qui mettent en mal ma sécurité, celle de ma famille et de mes proches depuis un certain moment.

Dans votre discours de fin d’année, vous avez exhorté les Camerounais à dénoncer tous ceux qui pillent les caisses de l’État. C’est ce que les gens comme moi, Martinez Zogo, Samuel Wazizi et autres faisons depuis des années au risque de notre vie. C’est d’ailleurs ce qui a coûté  l’enlèvement et l’assassinat du célèbre journaliste Martinez Zogo. Nos têtes sont mises à prix parce que nous mettons à nu les prévaricateurs de la fortune publique et dénonçons  les tares qui minent notre notre beau pays le Cameroun.

Pour être plus précis, avant son assassinat par un gang de criminels,  Martinez Zogo a eu accès à plusieurs documents compromettants, parmi lesquels ceux liés à des largesses financières tirées des chapitres 94, 65 et 57 du budget de l’État dans lesquels des hommes d’affaires et autorités seraient impliqués. C’est ainsi qu’il me contacte afin que nous puissions travailler et scruter ces documents.  Le 28 décembre 2022 par exemple, nous avons eu une séance de travail pendant plus d’une heure, juste à côté de la Radio Amplitude Fm. Nos travaux se sont poursuivis via d’autres canaux. Lesdits documents indiquent qu’un homme d’affaires aurait bénéficié, à travers plusieurs sociétés écrans inconnues de l’administration fiscale d’importants paiements du trésor public qui s’évaluent à plusieurs milliards de francs CFA. Informés de nos séances de travail,  des connaissances m’ont conseillé de faire attention car beaucoup de personnes et personnalités seraient inquiets que des dossiers aussi explosifs et menaçant leur existence dans l’espace public soient entre les mains de journalistes et lanceurs d’alertes.

À la suite de ces proches, c’est le journaliste Camerounais  Rémy Ngono, officiant pour Rfi qui fait une vidéo sur Facebook pour dire qu’il y a une liste de Journalistes à abattre par la mafia qui syphone les fameuses lignes du ministre des Finances et du ministère de l’économie, de la planification et de l’aménagement du territoire. Parmi ces personnes listées pour être assassinées, il déclarait que  Martinez Zogo et moi-même étions en haut de la liste noire.   Le 9 janvier 2023 à 13h55, le regretté Martinez Zogo m’appelle sur mon  téléphone pour me dire qu’il a appris auprès des sources dignes de foi que nous qui travaillons sur ces dossiers sommes en danger et que des gens qui y seraient impliqués ont juré de nous ôter la vie. Il me fera savoir par la suite qu’il a saisi un commissaire de police qui  lui a plutôt recommandé d’ébruiter l’affaire au lieu d’assurer sa sécurité.   C’est ainsi que ce même jour je fais un post sur ma page Facebook pour annoncer à l’opinion publique que ma tête est mise à prix. Chose curieuse, une semaine après, notamment le mardi 17 janvier, Martinez Zogo est enlevé et assassiné d’une façon barbare comme si ses bourreaux tenaient à passer un message fort à ceux qui œuvrent pour la transparence dans la gestion publique au Cameroun. Naturellement,  depuis ce crapuleux assassinat qui a débuté devant une gendarmerie selon les premiers témoignages, je vis dans la psychose. Je suis traumatisé et terrifié par la peur car c’est au nez et la barbe des éléments en charge de la sécurité que Martinez Zogo a été assassiné. Ce qui laisse penser que ses bourreaux se sentent en sécurité et ont la pleine maîtrise de l’environnement sécuritaire de la capitale politique du pays ! A moins qu’ils ne soient eux-mêmes en charge de la sécurité ou ne jouissent d’un réel sentiment d’impunité.  Dans mon quartier et proche de mon domicile, mes  voisins et moi avons observé des présences bizarres et inhabituelles. J’ai par exemple  appris auprès des personnes de mon quartier qu’une dame, de teint clair aux mini cheveux  avec des longues ongles,  qui avait l’allure d’une retardée mentale, était assise nuitamment dans une supérette très proche de mon domicile avec un petit téléphone en main qu’elle manipulait de temps en temps buvant sa bière -plus précisément la Booster- , inspectant les lieux, avant d’être retrouvé quelque part plus tard avec les éléments du Gso et de l’armée. Hier encore, la même dame a été aperçu dans la même supérette, vêtue d’une culotte et d’un t-shirt noir, assise à la maison position, mais cette fois-ci avec un téléphone androïde et des écouteurs se déplaçant de temps en temps pour passer des coups de fil. Ajouter à ceci, il y a des véhicules de couleur banches et noires aux vitres fumés, parmi lesquelles une de marque Kia ont garé à proximité de mon domicile pendant des jours. Lorsque je fais ce constat, je lance immédiatement une alerte, quelques minutes après ces véhicules ont disparu. Dimanche dernier à la la morgue de l’hôpital central de Yaoundé lorsque nous y accompagnons la dépouille de Martinez Zogo, j’ai été filé par des individus à bord d’un véhicule de marque Hyundai de couleur noire aux vitres fumées. Tout récemment, c’est deux individus à bord d’une moto l’un en t-shirt de couleur bleue et l’autre de couleur rouge qui m’espionnaient. Tous les deux avaient des casquettes et l’un manipulait le téléphone.

Excellence Monsieur le Président, permettez moi de rappeler ici que par le passé, j’ai été confronté à des intimidations, des menaces de mort, des agressions et attaques physiques ayant failli conduire à ma mort.  La dernière attaque physique en date où j’ai été laissé pour mort et qui a défrayée la chronique au Cameroun et ailleurs remonte au 9 mars 2022. Ce jour mes agresseurs m’ont dit qu’ils étaient en mission, qu’ils sont venus m’assassiner et que je fasse ma dernière prière. Je ne sais par quelle alchimie j’ai eu la vie sauve.  Des images en circulation sur la toile sont assez illustratives. Bien que la gravité des sévices corporels que j’ai subis ne permettront pas que vous m’identifiez facilement sur ces images, vous pourrez tout de même une idée vous faire d’où je viens. Il est important de préciser que cette tentative d’assassinat intervenait dans un contexte où j’avais fait une sortie sur mon compte Facebook parlant de la ligne 94 qui jusqu’ici fait l’objet d’un scandale au Cameroun. À l’époque déjà,  l’actualité camerounaise était marquée par la grève des enseignants du primaire et du secondaire que j’avais traitée en prenant fait et cause pour les malheureux enseignants maltraités par l’administration des finances. Au delà de ce traitement en forme de défense des droits des enseignants méprisés par l’État, je soulignais l’incongruité du traitement infligé aux enseignants dans un pays où des personnes vides joyeusement et en totale impunité les caisses de l’État au vu et au su de tout le monde, y compris au vu et au su des autorités et dirigeants chargés de protéger la fortune publique.

Suite à cette tentative d’assassinat, une plainte accompagnée de quelques indices pouvant aider à l’identification de mes bourreaux avait été adressée au commandant de la Brigade de gendarmerie de Nsimeyong à Yaoundé. Mon avocate Me Dorcas Nkogme avait également saisi le procureur du tribunal de grande instance du Mfoundi par voie de plainte mais, un an après, ni l’enquête de la gendarmerie ni la plainte déposée n’ont bougé. Ce qui laisse aisément penser que mes bourreaux contrôlent le système judiciaire. En effet, comment ma tentative d’assassinat qui avait été relayée par les médias sociaux, les médias nationaux et internationaux peut n’avoir pas retenue l’attention ni des gendarmes ni de la justice un an après ?

Il faudrait ajouter  que c’est la énième fois que  je suis victime d’agression physique. En 2017, je révélais  et dénonçais le traitement inhumain et dégradant que les agents de police ont fait subir à un jeune au nom de Ibrahim Bello au commissariat d’Ombessa dans le département du Mban-et-Inoubou en février de la même année. Ce traitement a entraîné l’amputation des jambes du malheureux et plus tard sa mort.  Cette dénonciation avait abouti à l’interpellation et à la condamnation de certains policiers au tribunal de grande instance de Bafia. Toujours en 2017, je fustigeais également l’abus sexuel qu’un journaliste d’un média basé à Yaoundé avait fait subi à une mineure de 14 ans. Quelques temps après, des jeunes armés d’armes blanches m’ont agressé à l’entrée de mon  domicile.

Le 31 janvier 2019 très tôt le matin, j’ai échappé à un enlèvement à l’entrée  de mon domicile. Mes bourreaux m’ont agressé et copieusement bastonné, pendant qu’une voiture de marque ML couleur noire les attendaient à côté pour m’embarquer. N’eut été l’intervention des voisins, je ne sais pas où je me trouverai aujourd’hui. Mais j’y suis quand même sorti avec le visage tuméfié et les doigts sectionnés. À cette période là, j’avais mené des investigations sur les malversations financières de certains pontes du régime et sur le scandale de la Can 2019 qui devait se jouer au Cameroun mais qui,  malheureusement, avait été reportée à cause du retard de la livraison des sites. Une plainte avait été déposée au commissariat de Mendong/ Yaoundé. Mais, plus de quatre ans après  elle est restée sans aucune suite.

Quatre mois après cette agression, sans avoir été préalablement convoqué, je suis arrêté nuitamment en mai 2019 par 5 policiers en civil lourdement armés, en violation de toutes règles de procédure pénale. Je suis par là suite écroué à la prison centrale et principale de Kondengui à l’issue d’une plainte pour diffamation, déposée contre moi par l’écrivaine Calixthe Beyala. Encore en violation des règles de procédure, je suis arbitrairement détenu pendant 2 ans en détention préventive et je suis finalement condamné à 23 mois de prison ferme le 18 mai 2021. Durant la détention, mon domicile a été cambriolé, plusieurs effets personnels et professionnels emportés, ma famille menacée. Mon frère aîné a été séquestré en mai 2020 pendant des heures  dans les locaux de la délégation générale de la sûreté nationale à Yaoundé où on  lui posaient des questions sur mes sources d’information et les fréquentations alors que je croupissais injustement en prison. Pris de peur, il avait été obligé de quitter la ville de Yaoundé pour s’installer ailleurs.

Pour finir, aujourd’hui encore, je suis en danger, ma sécurité est compromise. Je suis abandonné à moi-même.

Le terrible et long sort que des gangs m’infligent depuis tant d’années et sans aucune conséquence pour ses membres, malgré les multiples plaintes dûment déposées aussi bien à la police, à la gendarmerie qu’à la justice demontrent que ceux qui tentent de faire taire en m’assassinant  sont puissants, très puissants pour ne pas dire qu’ils donnent l’impression d’être l’État.

Malgré les dénonciations médiatiques, des organisations de de défense des droits de l’homme au Cameroun et à l’étranger de mon triste sort, l’État du Cameroun dont vous avez la charge a une posture qui interroge.

C’est l’indifférence de l’État, des services de sécurité, de la justice dans tout ce qui m’arrive depuis des années qui a construit le sentiment de totale impunité sur lequel les bourreaux de Martinez Zogo ont pris appui pour commettre la barbarie qu’ils ont fait subir avant de le tuer.

Excellence Monsieur le Président de République, en raison de vos fonctions, vous me devez, en tant que citoyen, de faire rechercher et de traduire en justice ces criminels qui depuis des années déjà essaient de m’assassiner.

Toutes les informations disponibles attestent qu’après Martinez Zogo, je figure en bonne place pour être la prochaine victime. C’est donc un citoyen en sursis, pourchassé par des gangs dont les membres peuvent facilement être identifiés si vous, le Président de la République, l’ordonnez. Ces gangs qui par la terreur veulent contraindre les journalistes et lanceurs d’alertes au silence pendant qu’ils pillent les caisses de l’État alors que les Camerounais n’ont jamais été aussi misérables.

Excellence, votre responsabilité est grande, soit vous me livrez à ces criminels qui narguent les Camerounais au quotidien avec leurs fortune bâtie sur le vol de l’argent public, soit vous les faites arrêter.

Au moment où je vous écris, ils peuvent surgir, m’enlever, enlever la femme, mes enfants, disposer de nous et nos corps comme ils l’ont fait avec le corps de Martinez Zogo.

Ma famille et moi sommes en insécurité totale dans le pays dont vous avez la responsabilité. Vous voudrez bien prendre toutes les mesures qu’il vous plaira pour non seulement faire arrêter les criminels qui semblent jouir d’une impunité incompréhensible dans une république, dans un État dit de droit, dans un État où, officiellement, le pouvoir déclare mener la guerre à ceux qui pillent la fortune publique, mais garantir ma sécurité et celle de ma famille.

Excellence Monsieur le Président,

au delà de mon cas personnel, permettez moi si les services de sécurité ne vous le disent pas, que les journalistes, les lanceurs d’alertes, les pro démocratie sont en danger de mort au Cameroun. Ils sont menacés par des gangs qui ont pris en otage la fortune publique dans le but de conquérir par la force le pouvoir politique.  Le portait robot des membres de ce gangs sera facile à esquisser. Pour cela il vous suffit d’engager dans un processus transparent, libre, respectueux des lois de la république et impitoyable une réelle lutte pour l’assainissement de la gestion des finances publiques. Dans cette perspective, a levée de tous les obstacles politiques, qui en raison de vos pouvoirs relèvent directement de vous, dans la gestion judiciaire des scandales Glencore, des lignes 94, 65, et 57; du COVID-GATE, de la CAN-GATE, des fameux ordinateurs PB etc… est indispensable.

Dans l’espoir que ceci ne soit pas ma dernière correspondance que vous recevrez de moi avant que mes bourreaux ne m’assassinent n’assassinent un membre de ma famille, un autre journaliste ou lanceur d’alertes, veuillez, Excellence Monsieur le Président de la République, recevoir mes très sincères et respectueuses salutations.

Paul CHOUTA, Cyber Journaliste et Lanceur d’alertes en sursis dans la République

Ampliation :

1-Madame la Présidente de Commission des droits de l’homme des Nations Unies à Genève;

2- Bureau Régional Afrique Centrale des droits de l’homme des Nations Unies ;

3- Président de l’Union Africaine ;

4- Président de la Commission de l’Union Africaine ;

5- Commission Africaine des droits de l’homme et des libertés.

Copie :

– SGPR;

– DGSN

– SED;

– DGRE

– MINJUSTICE ;

– MINCOM;

– Procureur général près la cour d’appel du Centre à Yaoundé ;

– Procureur général du TCS ;

– Commission Nationale des Droits et de Liberté ( CNDL);

– Ambassade État Unis ;

– Représentation Union Européenne ;

– Ambassade France ;

– Haut Commissariat de Grande Bretagne ;

– Haut Commissariat du Canada ;

– Ambassade Russie ;

– Ambassade Chine,

– Ambassade Israël ;

– Ambassade Fédération de Suisse ;

– Ambassade d’Allemagne ;

– Organisations et syndicats nationaux et internationaux de défense des droits des journalistes et Lanceurs d’alertes ;

– Les pilleurs arrogants de la fortune publique, leurs puissants protecteurs, leurs familles et leurs descendants ;

– Médias

– Le Peuple Camerounais.

 

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