En novembre 2019, les chefs d’Etat de la communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale participent à un sommet extraordinaire convoqué par leur homologue camerounais Paul Biya, par ailleurs président en exercice de la conférence des chefs d’Etat de la Cemac.
Le franc CFA figure en lettre d’or sur la table des discussions des décideurs de la région. Obiang Nguema Mbasogo, très hostile à cette monnaie coloniale, est arrivé dans la capitale camerounaise le jour du sommet. Sassou Nguesso, Idriss Ndeby Itno, Faustin Archange Touadera et le premier ministre gabonais sont arrivés au Hilton hôtel à la veille des travaux qui se tenaient au Palais de l’Unité.
Le matin du sommet, Yaoundé brille aux couleurs de la Cemac. Les drapeaux des six Etats embellissent les coins stratégiques de la capitale camerounaise.
Devant l’hôtel où sont logés les chefs d’Etat et leurs délégations, des groupes de danse des ressortissants Camerounais, Centrafricains, Tchadiens, Gabonais, Congolais et Equato-Guinéens réservent un accueil chaleureux aux invités de Paul Biya à travers des pas de danse traditionnels. « On compte beaucoup sur nos dirigeants pour tuer cette monnaie coloniale qui nous étrangle », lance un Tchadien dans la foule.
Le 22 novembre 2019, au Palais de l’Unité, on attend la fumée blanche. La question du franc CFA est sur toutes les lèvres. Les chefs d’Etat étouffent. Les échanges sont houleux. « On espère qu’ils vont nous débarrasser de ce machin », s’impatiente un journaliste venu couvrir l’évènement.
Son vœu ne sera malheureusement pas exaucé sur le champ. Dans le communiqué final de leurs travaux tenus à huis clos, les chefs d’Etat informent leurs peuples qu’ils ont confié le dossier à la banque centrale (BEAC) et à la Commission de la Cemac. Les deux institutions doivent rapidement réfléchir sur la mise sur pied d’une nouvelle politique monétaire profitable à la zone Cemac.
C’est un secret de polichinelle, Paul Biya, quoique fin, est également hostile à cette monnaie coloniale. « Nous comptons sur le vieux lion de Yaoundé pour tuer la politique monétaire actuelle », confiait il y a quelques mois, un cadre de la Commission de la Cemac à La Plume l’Aigle.
Le week-end dernier, une folle rumeur nous apprenait que la Cemac va également s’arrimer à la nouvelle monnaie « Eco », adoptée par les pays francophones de l’Afrique de l’Ouest à l’initiative du président ivoirien Alassane Dramane Ouattara et Emmanuel Macron, président français. Une pilule amère que les pays anglophones de ce même bloc régional refusent d’avaler. Ils refusent d’utiliser une monnaie parrainée par la France.
Les anglo-saxons accusent les pays francophones d’Afrique de freiner l’émergence du continent à cause de leur docilité à la France et sa politique monétaire défavorable au développement. Plusieurs économistes s’accordent à dire que l’«Eco» n’est juste qu’un changement de dénomination. Le fond reste. Les billets seront toujours imprimés à la Chamalières et contrôlés par la France.
Je vois mal Paul Biya et ses pairs de la sous-région accepter de renouveler cet esclavage monétaire après plusieurs décennies de lutte, de querelles, de moqueries et de tentatives de coup d’Etat. En adoptant le système monétaire de l’Afrique de l’Ouest francophone, la Cemac se met à dos tout le continent et certains de ses partenaires internationaux, pour qui le franc CFA (ou l’Eco) ne représente qu’un chiffon.
Didier Ndengue
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