Gouvernance et corruption au Cameroun : Pr Viviane Ondoua Biwole, " le pays doit engager des réformes institutionnelles qui garantissent une gouvernance plus transparente et efficiente qui fonctionne avec intégrité et dans le respect de l'État de droit"
Pr Viviane Ondoua Biwole
A la UneCamerounEconomieLe ChroniqueurTribune Libre

Gouvernance et corruption au Cameroun : Pr Viviane Ondoua Biwole, « le pays doit engager des réformes institutionnelles qui garantissent une gouvernance plus transparente et efficiente qui fonctionne avec intégrité et dans le respect de l’État de droit »

0

Cette universitaire et entrepreneure camerounaise, experte des questions de gouvernance et de développement, a publié sur son blog le 23 janvier dernier, une analyse qui résume les recommandations du rapport du Fonds Monétaire International (FMI) sur le diagnostic de la gouvernance et la corruption au Cameroun.

En effet, relate le Pr Viviane Ondoua Biwole, en décembre 2023, à la demande du ministère des Finances dans le cadre de l’assistance technique, le FMI a publié un rapport sur le diagnostic de la gouvernance et de la corruption au Cameroun1. Le diagnostic a porté sur 1 Rapport produit par quatre départements du FMI : le département juridique, des finances publiques, le département monétaire et des marchés de capitaux et le département financier.

La mission s’est tenue du 27 février au 17 mars 2023 et la méthodologie suivie a consisté à collecter les informations aussi bien dans divers rapports qu’auprès des acteurs concernés par le sujet (conseillers techniques des services du  Premier ministre, le ministre d’État, ministre de la justice et garde des sceaux et ses collaborateurs, le ministre en charge des marchés publics et ses collaborateurs, le ministre des Finances et ses collaborateurs ; et les responsables du ministère de l’Économie, de la Planification et de l’Aménagement du Territoire, le ministère de la Décentralisation et du Développement Local, le Contrôle Supérieur de l’État et du Conseil de Discipline Budgétaire et Financière, la Commission Nationale Anti-corruption, la Chambre des comptes de la Cour Suprême, l’Agence Nationale d’Investigation Financière, et de l’Agence de Régulation des Marchés publics. La mission a également rencontré des membres de la société civile et des partenaires internationaux engagés dans les questions de gouvernance et de lutte contre la corruption.

Facteurs de faiblesses et de vulnérabilités en matière de gouvernance et de corruption dans les domaines prioritaires à haute importance macroéconomique

Selon cette universitaire, l’on peut citer entre autres, i) la lutte contre la corruption, le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme ; ii) la gouvernance budgétaire (par exemple, la gestion des finances publiques, la politique fiscale et l’administration des recettes, la gestion des entreprises publiques et les marchés publics) ; et iii) l’exécution des contrats et la protection des droits de propriété (P12 du rapport du FMI, 2023).

Le rapport a mis l’accent sur « les sources de défis de gouvernance économique, dans la mesure où elles ont un impact critique sur le plan macroéconomique et nuisent à l’atteinte des objectifs de développement du Cameroun. » (P.13 ; rapport FMI). Le présent texte vise à rappeler la quintessence de ce rapport en relevant les a priori assumés par le rapport, et les principaux constats de dérives confirmant que la gouvernance est en panne au Cameroun (la synthèse du diagnostic est rappelée en annexes). Les recommandations bien détaillées sont contenues dans le rapport et n’ont pas fait l’objet de développements ici.

Quelques a priori assumés dans le rapport

Toujours selon le Pr Viviane Ondoua Biwole, 1. Le FMI considère le Cameroun comme un État fragile en proie aux menaces sécuritaires dans le Nord-Ouest, le Sud- Ouest et l’Extrême Nord du pays. 2. Malgré les orientations convenues avec le FMI depuis 2017 (soit deux programmes)2, le Cameroun présente encore un risque élevé de surendettement. 3. Les faiblesses de gouvernance économique, dans la mesure où elles ont un impact critique sur le plan macroéconomique nuisent à l’atteinte des objectifs de développement du Cameroun ». 4. Les efforts visant à remédier aux faiblesses en matière de redevabilité et de corruption au Cameroun sont considérés comme complémentaires et essentiels à la réalisation de progrès soutenus en matière d’assainissement budgétaire et de croissance économique et sociale inclusive. Sur la base de ces a priori et à la suite d’une démarche qualitative ponctuée par l’analyse documentaire et les entretiens avec 3 dispositif de la gouvernance et de la lutte contre la corruption, les principales faiblesses relevées en matière de gouvernance économique et de corruption concernent :

– la gestion des finances publiques (notamment la formulation et l’exécution du budget), – l’administration des marchés publics (appels d’offres et exécution des contrats), – la gestion et la surveillance des entreprises publiques, – la transparence de la politique et de l’administration des recettes, – la transparence de la politique de la propriété foncière (problèmes de clarté et de sécurité).

Tous ces points sont bien détaillés dans le rapport (une synthèse est en annexe du présent texte)et font l’objet de recommandations à courts et moyens termes. Si elles ne sont pas inconnues du public avisé sur la question, elles ont le mérite de révéler au grand jour les incohérences et tares largement relayées par certains et contestés par d’autres. Désormais il est admis que la gouvernance se porte mal au Cameroun.

La gouvernance au Cameroun est en panne !

L’experte en question de gouvernance et de développement affirme qu’au moins, ici les évidences sont inattaquables et la légitimé de l’auteur (FMI) aux côtés du commanditaire (l’Etat du Cameroun) laissent croire que le débat est désormais clos. La gouvernance au Cameroun va mal et c’est reconnu de tous. Quelques extraits du rapport sur la gestion budgétaire de l’État est sont l’illustration (P66, 67 et 68 du rapport): « Le clientélisme et la centralisation du pouvoir restent des traits marquants de la gouvernance budgétaire au Cameroun » « Les dépenses de sécurité et la succession des plans d’urgence limitent la mise en œuvre durable et rigoureuse de la stratégie nationale de développement du gouvernement (SDN 2030)». Un manque de maîtrise des coûts des projets d’investissement et une croissance alarmante de la dette publique sont constatées. Les déficiences sont particulièrement sévères concernant le recours aux avances de trésorerie et aux procédures dérogatoires, la commande publique et la gouvernance dans les services publics (EP)e.com

« Environ 40% des dépenses des ministères sont exécutées à travers des procédures dérogatoires (2022)3, et la règle des 5% des dépenses courantes avec un maximum de 250 millions de F CFA n’est pas respectée ». « Des contrats attribués sans planification ni études préalables, le fractionnement des marchés ; des appels d’offres non conformes aux exigences du code des marchés ; des collusions entre la commission des marchés et les prestataires retenus ; des délais de passation des marchés publics (en moyenne 255 jours) ; des dépassements de coûts importants (supérieurs aux 30 % autorisés) ; et des paiements avant service rendu ».

Le rapport du FMI conclut sur des évidences déjà relayées par l’ensemble des acteurs intéressés par la gouvernance et la lutte contre la corruption au Cameroun. Il n’est donc pas étonnant qu’il n’ait pas particulièrement « choqué » l’opinion au sens de créer un choc car c’est du « connu », du « critiqué » et du « déjà entendu » voire du « méprisé » par certains.

La principale valeur ajoutée de ce rapport est qu’il agrège et priorise, sur la base du diagnostic réalisé sur la gouvernance et la corruption, les actions à mener pour l’atteinte des objectifs de développement du Cameroun. A bien regarder, ces actions sont contenues dans les différents documents de planification du Cameroun et principalement la stratégie sectorielle de la gouvernance arrimée à la SND30. Plusieurs actions préconisées sont également contenues dans les différents rapports de la CONAC. C’est la preuve supplémentaire que la gouvernance est en panne si le même diagnostic est commandé par le Gouvernement qui détient déjà l’ensemble de ces analyses. C’est à croire simplement que ce qui est important « c’est faire des analyses pour les analyses » pas forcément pour la prise de décision.

Si non comment comprendre qu’un rapport comme celui-ci revienne formuler par exemple une recommandation sur l’exigence du respect des mandats des dirigeants et des mandataires sociaux des entreprises ? ou qu’il rappelle de compléter la législation (texte d’application) des lois dont entre autres l’article. 66 de la constitution sur la déclaration des biens ou l’obligation de rendre publique les états financiers des entreprises publiques contenue dans la loi de 2018 portant sur la transparence et la bonne gouvernance ? Au fond il semble nous manquer deux choses : un leadership politique plus offensif et des pratiques managériales plus efficaces. Conclut le Pr Viviane Ondoua Biwole.

Intégration économique régionale : la Cemac et la Ferdi en ordre de bataille pour l’amélioration du climat des affaires

Previous article

CAN Côte d’Ivoire 2023 : depuis Douala, Africa Global Logistics savoure la victoire des Lions Indomptables

Next article

You may also like

Comments

Leave a reply

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *