A quelques semaines de la rentrée scolaire, le président de l’Association Réfugiés Sans Frontières qui a perdu tout espoir au Haut-commissariat aux réfugiés, se tourne vers les âmes de bonne volonté pour sauver l’année scolaire des enfants réfugiés. Son cri de cœur dans cette interview accordée à La Plume de l’Aigle.
Comment vont les enfants réfugiés à Douala en cette veille de rentrée scolaire ?
Les enfants réfugiés sont dans une situation très complexe. Parce que les réfugiés ont tous les problèmes du monde à l’heure actuelle. Tous les programmes sont suspendus au niveau des partenaires du HCR (Haut-commissariat aux réfugiés). On ne voit pas les choses venir. On a demandé aux parents de déposer les dossiers, et nous savons avec l’expérience qu’on peut déposer les dossiers, sur 1200 dossiers, on ne s’occupe que de 800 enfants. Cette année, je ne suis pas sûr qu’on va atteindre les 800 enfants. Sur 3000 enfants réfugiés scolarisables à Douala, il n’y a que 800 enfants qui sont pris en charge et nous avons près de 2 200 enfants qui ne sont pas pris en charge. La situation avec le Covid-19 s’est aggravée parce que les activités génératrices de revenus que les femmes faisaient de façon informelle ne peuvent plus se faire parce qu’elles n’ont pas de moyens. Aujourd’hui, vivre à Douala en tant que réfugié est un calvaire. Manger devient très difficile, se soigner pareil….Les préparatifs de la rentrée scolaire sont catastrophiques. Quand les parents n’ont rien, les enfants souffrent. On ne sait même pas combien iront à l’école cette année.
Vous dites que 800 enfants sur près de 3000 seront scolarisés cette année. Que deviendront les 2 200 autres ?
Je pense que cette question doit être posée au HCR et à ses partenaires. Pour nous, sur 3000 enfants scolarisables, si le HCR ne prend en charge que 800 enfants, ça veut dire qu’il y aura 2 200 enfants qui seront à la maison. Ce n’est pas un fait qui date d’aujourd’hui. Ils le font depuis des années. Nous lançons un appel. L’Association Réfugiés Sans Frontières est là aussi pour accompagner le volet éducation. Donc il y a des partenaires qui peuvent se mobiliser pour que ces enfants qui ne peuvent pas être pris en charge par le HCR et ses partenaires, soient pris en charge à travers l’Association Réfugiés Sans Frontières.
Quel est l’apport de votre association jusqu’ici ?
Nous avons besoin que les enfants réfugiés déracinés de leurs pays puissent reprendre la vie et puissent s’intégrer. Nous organisons des journées culturelles pour les enfants réfugiés. Nous organisons l’arbre de Noël pour eux. Ce sont des moments où les enfants réfugiés se mettent ensemble avec les enfants camerounais pour partager et échanger. C’est un moyen d’intégrer les enfants. Nous avons beaucoup de projets pour les enfants. Nous avons un projet sur les journées culturelles, un autre sur l’encadrement des enfants (comment les amener à réfléchir). On prépare leurs comportements. Malgré toutes les épreuves qu’ils ont traversé, la guerre, la souffrance, surtout la situation très difficile de leurs parents, il faut que les enfants soient pris en charge sinon on va perdre des générations de gens. Ils peuvent finir criminels, ou terroristes. On œuvre effectivement pour que les enfants ne puissent pas être perdus.
Que disent les parents d’élèves réfugiés ?
A leur niveau c’est l’impuissance. Parce que quand on a tout tenté au HRC, chez les partenaires et qu’ils ne disent rien, c’est le désespoir total. Il y a des parents qui disent qu’ils ne savent plus quoi faire. Avec le Covid-19, leurs petits commerces ont chuté. Dernièrement nous avons tenu une réunion avec les femmes réfugiées, elles disaient que ce sont les voisins qui leur donnent à manger. Donc des Camerounais généreux qui donnent à manger aux réfugiés urbains. Dernièrement, un chef de famille centrafricain est mort de famine. Il n’avait pas de quoi manger.
Président, selon vos chiffres, combien de réfugiés vivent actuellement à Douala ?
Au Cameroun, les chiffres sont maîtrisés par le HCR. Pour ce qui concerne Douala, depuis la biométrie, nous n’avons pas de chiffres publiés, mais quand on surfe sur Internet, on voit qu’à Douala, il y a 11000 réfugiés et demandeurs d’asile. Dans les 11000, il y a peut-être 5000 réfugiés. Ils sont d’origine centrafricaine, congolaise, rwandaise, ivoirienne, burundaise, marocaine, tchadienne, Guinéenne, etc. J’ai même appris dernièrement qu’il y a des palestiniens, des syriens, il y a beaucoup de communautés de réfugiés au Cameroun.
Est-ce qu’on s’achemine vers une année blanche pour les 2 200 enfants réfugiés à Douala?
C’est une nouvelle année blanche qui se prépare pour ces enfants. C’est pour ça que nous lançons un appel à toutes les personnes de bonne volonté pour s’approcher de l’Association Réfugiés Sans Frontières, parce que nous avons les statistiques, nous avons les chiffres et nous pouvons contacter ces enfants-là et leur distribuer des cahiers, des livres et des frais scolaires s’il y en a. Nous sommes situés au marché New Deido immeuble ancien SGBC. Ces personnes de bonne volonté peuvent nous contacter à travers notre page Facebook ou alors appeler au 677878279.
Entretien mené par Didier Ndengue
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