Cameroun/Revendications : à Mbonjo, la population veut déraciner la Socapalm
Le 1er août 2022, les habitants du village Mbonjo, à l’initiative de la  Synergie nationale des paysans et riverains du Cameroun (Synapacam), se sont mobilisés pour contester l’occupation de leurs sites sacrés.
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Cameroun/Revendications : à Mbonjo, la population déterminée à déraciner la Socapalm

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Les riverains de ce village sont bouleversés par l’occupation de leurs terres sacrées par la filiale du Groupe Socfin. L’entreprise ne souhaite en aucun cas céder ses sites à la population riveraine, mais leur permet d’y accéder. Ce qui ne plaît guère aux habitants de la localité.

Sur les tombes de son oncle et de sa tante, Alphone Toko Sone se lamente.  Il est malheureux de voir des palmiers à huile, appartenant à la Société camerounaise de palmeraies (Socapalm)  plantés  dans le cimetière où sont enterrés ses proches. Impuissant, le visage hagard, ses yeux se remplissent de larmes. «  Ce sont des êtres chers qui sont enterrés ici. Il n’est pas normal que cet endroit soit envahi par les plantations de cette entreprise agro-industrielle, nous voulons qu’elle respecte nos lieux sacrés», gronde Alphone Toko Sene, une élite du village Mbonjo I, situé dans le département du Moungo, région du Littoral, au Cameroun.

Dans cette partie du territoire, la Socapalm exploite plus de 3000 hectares de terres. L’entreprise occupe à ce jour six  sites agro-industriels situés dans trois régions du pays (Littoral, Sud, Centre). En 2010, elle, apprend-on,  gérait quelques 78 529 hectares de plantations de palmiers à huile, répartis dans les trois régions suscitées.

Dans la plupart de ces régions, la collaboration entre la Socapalm et les riverains n’est toujours pas au beau fixe. Dans l’une d’elles, principalement dans la région du Littoral, les habitants des villages Mbonjo et Souza dans le département du Moungo, n’entretiennent pas des relations cordiales avec l’agro-industriel. Plusieurs raisons justifient leur comportement. Notamment l’accaparement des terres, la violation des droits humains, le non-respect de la culture locale, etc.

Réclamations  

Le 1er août 2022, les habitants du village Mbonjo, à l’initiative de la  Synergie nationale des paysans et riverains du Cameroun (Synapacam), se sont mobilisés pour contester l’occupation de leurs sites sacrés. Vêtus de noir pour certains et de T-shirts de couleur orange portant la mention : « Cessez de récolter sur les crânes de nos ancêtres» pour d’autres, les manifestants étaient accompagnés de leurs élites, du chef traditionnel et autres autorités traditionnelles environnantes. Ils se sont rendus sur l’un des lieux sacrés pour commémorer leurs morts.

«Nos parents qui sont partis doivent être respectés, nous-mêmes qui restons, nous devons être respectés, nous ne sommes pas contre nos voisins de la Socapalm. Nous voulons évoluer et émerger ensemble…», interpelle Sa Majesté Jean Eyondi Epane, chef du village Mbonjo I depuis plus de deux décennies.

Cette contestation vient en appui à la lettre qu’ils ont adressée à la Socapalm portant sur « la situation du projet de réhabilitation  des sites sacrés de la zone Socapalm Mbonjo-Souza». En effet, le 23 juin 2022, la Synaparcam et les autorités traditionnelles de Mbonjo et Souza avaient écrit au Directeur général de la Socapalm pour exprimer «leurs profonds sentiments de désespoir face à la production industrielle de l’agro-industrie du palmier et autres hévéas […] qui au-delà de la destruction des moyens de subsistance locaux, profane également les sites sacrés et le patrimoine culturel des populations locales, étouffant les pratiques ancestrales d’adoration, libertés et droits fondamentaux, s’il en est. »

En réponse à cette lettre, la Socapalm a affirmé sept jours  plus tard (30 juin) dans une correspondance qu’elle maintiendrait sa politique : permettre aux communautés d’accéder aux sites sacrés. L’entreprise ne se sent pas prête à céder ses surfaces aux riverains. Une situation qui entretient un climat de tension permanente entre les deux parties.

«Nous avons emmené les responsables de la Socapalm à voir ces sites, ce n’est pas le seul, il y en a plusieurs. Nous sommes des bantous, nous avons des coutumes… il y a des palmiers sur nos sites sacrés ce n’est pas normal. Quand une société agro-industrielle vient s’installer, c’est pour nous nuire où c’est pour améliorer la vie des communautés? Nous mourrons de pauvreté, il n’y a pas de terres, alors qu’on a fait le maximum d’efforts pour approcher les responsables de la Socapalm pour montrer leurs failles. Ils nous ont répondu qu’ils ne peuvent pas nous rétrocéder ces terres», s’indigne Marie Noëlle Etonde, riveraine, par ailleurs présidente de la section féminine de la Synaparcam.

Certification RSPO

Plus alarmant, les habitants de cette localité sont indignés par la certification RSPO (Roundtable on Sustainable Palm Oil) reçue par la Socapalm. La nouvelle met le chef traditionnel de Souza, Daniel Sappa Misse dans tous ses états : «Nous  sommes frustrés de ce que Socapalm a obtenu  la certification RSPO, parce que rien de ce qui devait leur donner droit à cette norme  n’a été fait».

Des sources concordantes font savoir que la Socapalm a obtenu la certification RSPO dans le cadre de  l’engagement du Groupe Socfin,  de certifier l’ensemble de ses filiales africaines. Sa filiale camerounaise se serait engagée dans ce processus depuis 2018. En 2020, elle poursuit sa démarche en démarrant les premiers audits de certification avec le site de Socaport certifié RSPO pour la chaîne d’approvisionnement le 30 décembre 2020. En janvier et février 2021, les audits de certification seront organisés sur les sites de Mbonjo et Mbambou, puis le site d’Eséka en mai 2021 et les sites d’Edéa et Dibombari en septembre 2021. En raison de la pandémie de Covid-19, les audits de terrain seront décalés. Ce qui accusera un retard dans le processus de certification. C’est en 2021 que la société obtient les certificats RSPO.

Ghislaine Deudjui avec Le Financier d’Afrique du 4 août 2022

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