Les pêcheurs et revendeurs du plus grand marché au poisson de la ville de Douala racontent leur quotidien.
Marché de Youpwe ce lundi 3 mai 2021. Il est exactement 6h30 minutes. L’ambiance est bon enfant, mais les lieux ne grouillent pas de monde comme d’habitude.
Aux bords des eaux, on aperçoit des pirogues qui portent des noms pour se
distinguer les unes des autres. Dans la pirogue « Dieu est mon guide », Bassomen, son prioritaire, mareyeur depuis 27 ans, se prépare avec son équipe pour un séjour en mer. Essence, nourriture, caisse de glaçon, ils s’arment pour un voyage de deux jours. « Malgré les intempéries du quotidien, ce métier nourrit son homme. J’ai abandonné un poste à la fonction publique pour être
mareyeur », lance le cinquantenaire, tout souriant.
De l’autre côté, sous un hangar, quelques grossistes et revendeurs de poissons
échangent sur la question du prix du poisson qui ne cesse d’augmenter sur le
marché local. Ces derniers accusent les mareyeurs d’être à l’origine de la flambée de prix qui alimente les conversations dans les ménages de Douala depuis plusieurs années.
Selon eux, les fournisseurs de poisson s’enrichissent sur leur dos en fixant les prix selon leur bon vouloir. « Une pirogue de 20 pouces me donnait un bénéfice de 50 000 FCFA après livraison dans les hôtels. Aujourd’hui, je peine à atteindre le quart de ce prix », s’indigne Fehom, grossiste et livreur de poisson dans les hôtels et grandes surfaces de la capitale économique.
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Les mareyeurs nient en bloc ces accusations. Pour eux, la flambée du prix du poisson est due aux dépenses et aux difficultés rencontrées en mer. « J’ai une
pirogue de 40 pouces, je l’ai immatriculé à plus de 2 millions de FCFA. Pendant une semaine en mer, je dépense deux cent mille francs pour le carburant, le
transport, ma nutrition et celle de mes employés. Je n’ai aucune garantie d’entrer
en possession de mes dépenses au retour de mon voyage », explique Ekambi,
grossiste depuis 15 ans.
Une cuvette de machoirons passe de 45 000 FCFA à 85 000 FCFA
Les firmes chinoises et le gouvernement camerounais sont mis aux bancs des
accusés. Jonathan, mareyeur depuis bientôt 5 ans, tente de se dédouaner. « Nous ne sommes pas des pêcheurs. Nous achetons chez les pêcheurs nigérians qui
vivent le long du fleuve. Tenez par exemple une cuvette de machoirons qu’on achetait à 45 000 FCFA, on l’achète aujourd’hui à 85 000 FCFA et on est obligé de la revendre à 120 000 FCFA pour essayer d’avoir un peu de bénéfice. La faute aux firmes chinoises. Sensées pêcher en eau profonde, ces entreprises de pêche le font où bon leur semble avec des produits chimiques et ceci sous le regard bienveillant des agents camerounais de la pêche », s’insurge le jeune homme.
« Nous respectons ce que les lois camerounaises préconisent. Nous ne pêchons pas en dehors des eaux profondes. Les produits chimiques ne sont point nommés dans nos activités », nie Sun, l’un des responsables des entreprises chinoises. Un agent du ministère des pêches rencontré sur les lieux ne partage pas entièrement cet avis. Il annonce même un retour à la normale dans les prochains jours. « Nous reconnaissons que certains pêches se font avec des produits chimiques, mais la hiérarchie a mis des moyens en œuvre pour éradiquer ces pratiques. Dans un futur très proche, nous aurons des poissons de bonne qualité en quantité industrielle », rassure-t-il.
En attendant la fin de cette pêche en eaux troubles, le panier de la ménagère continue de subir.
Blaise Ngagning Kiam, stagiaire
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