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Situation sécuritaire dans le Noso : rien de nouveau sous le soleil

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Cette semaine, les médias ont viré systématiquement à la surexposition médiatique, concernant la situation sécuritaire qui prévaut dans le Nord-Ouest et le Sud-Ouest, faisant suite aux bilans qui font état d’après-eux, de pertes considérables au sein de nos Forces de Défense et de Sécurité.  Les bilans de combats qui marquent une infime étape du rythme d’un conflit sont loin d’être pour autant indicatifs d’une issue quelconque. Aucune variable tactique déterminante ne suscite outre mesure une inquiétude particulière sur le terrain…

Par Dr Didier Badjeck, Cameroon Consulting and Prospective

Les interprétations des théâtres opérationnels par des regards inexperts et à tout le moins inappropriés peuvent participer involontairement aux manifestations apologétiques du terrorisme

Les médias ont fait un focus appuyé sur l’actualité sécuritaire de ces deux dernières semaines qui prévaut dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest du Cameroun. Certains ont assouvi une inquiétude légitime, au compte de la nécessité d’informer, comme devoir professionnel, mais aussi en tant que patriotes engagés à leurs niveaux, quant à apporter leur pierre angulaire dans la grande architecture de la défense populaire. Un fait social légitime, que d’autres supputations polémologiques, entre des mains inexpertes pourraient malheureusement servir comme messages apologétiques, préjudiciables au moral des troupes engagées.  L’émotion aidant, des aveux d’impuissance ont été émis par une attitude curieuse de défaitisme au demeurant très pathogène, au cours d’émissions de grande audience, pouvant aussi créer par la même occasion des incertitudes pour une marge de cibles crédules et dépendantes de la source cognitive accessible que constituent les médias, surtout en mode télévisuel. Comme il fallait s’y attendre, les réseaux sociaux ont accompagné le bénévolat de stratégistes qui ont ainsi lu la situation sécuritaire vers une prospective, heureusement encore subjective, plus catastrophique que sereine, s’appuyant sur des marqueurs souvent puérils et n’ayant aucun rapport avec le point d’une situation militaire. Les constats sont factuels, mais également faut-il savoir que « de guerre mortelle fait-on paix ».  C’est pourquoi il faudrait peut-être et très humblement, arrêter quelques dualités factuelle-interprétation pour ne pas se risquer dans une incongruité stratégique, voire plus finement, prospective. Les marqueurs d’une guerre édictés par les tactiques et bilans sont plus proches de l’interprétation puérile qu’ils ne le sont de l’art même de la guerre. C’est la différence entre le stratégiste et le stratège. Henry Lange, un « poilu » de la Première Guerre mondiale affirmait qu’il « n’aimait pas la guerre ; et ne voudrait pas qu’un jour quelqu’un pût dire que les combats s’écrivent ainsi qu’une partie de football ou de tennis »

Les principes polémologiques des guerres nouvelles dites « au sein des populations » sont à contre-pied de la théorie de la guerre classique

De grandes zones de la région subsaharienne sont soumises à la menace asymétrique, l’on pourrait se rapprocher d’ailleurs de la vérité en évoquant plutôt le concept de la guerre hybride. Pour y faire face, il faudrait associer un polymorphisme adaptatif de théâtre, des modèles dynamiques qui vont à l’encontre même des concepts classiques tels que la dilution consentie et le réseau lacunaire. Ce qui compte, est la domination territoriale du théâtre. Les escarmouches intrusives des combattants asymétriques, spectaculaires ou souvent, fortement létaux, ne constituent pas le gain d’une guerre. Les moyens de communication utilisés par un terroriste ne s’encombrent d’aucune déontologie ou éthique. L’horreur qui est sa ligne éditoriale vise à provoquer la terreur qui est son effet final recherché. La communication opérationnelle répondant in fine du registre institutionnel doit respecter les règles déontologiques. Le combattant régulier aussi, dans son comportement au sein du  champ de bataille doit également respecter les règles d’engagement souvent franchies par des cas isolés, toute chose relevant de la sociologie de la guerre. Ce sont ces manquements isolés que souvent, mettent au grand jour de manière absolue, certaines ONGs ou d’autres ingérences pour accabler des pays en guerre, luttant légitimement pour leur souveraineté et leur intégrité.  Le tout est une considération à géométrie variable, l’on peut passer de la notion d’exaction à celle plus aseptisée de la « perte collatérale ».

Quelles leçons tirer de nos propres théâtres ?

Éprouver un quelconque satisfecit de la déroute de nos Forces de Défense, pire, l’instiguer ou l’inventer est une infamie citoyenne, une véritable impéritie politique ; tout comme participer aux opérations de démobilisation des troupes, actes qui peuvent par ailleurs trouver une résonnance au sein du Code pénal. Montesquieu dit que, dans une démocratie, l’ambition est bornée au seul désir, au seul bonheur de servir sa Patrie mieux que les autres citoyens.

Les élongations imposées par les menaces qui côtoient le Cameroun de par ses points cardinaux et sa façade littorale instaurent une telle tendance suffisamment crisogène que toute raison gardée, les citoyens devraient jouer leur rôle de soutien aux Forces engagées, tant au niveau psychologique et moral, que par le renseignement ou l’influence. Pourtant ces Forces, pour constater leur maestria par la lucarne du dehors à présent, après les avoir servies, méritent plus du diptyque Armée-Nation qui a fait jusque-là, la marque de fabrique d’un partenariat granitique et gagnant-gagnant. La dernière situation sécuritaire décrite par les acteurs institutionnels et militaires des deux Régions, fait état d’une « situation maîtrisée » ; il y aura toujours des morts, des journées seront plus sombres que d’autres dans le rythme temporel et le lieu du combat, tout ce qui compte est le gain de la victoire finale. Un calme apparent règne sur la dorsale de la ligne de front de l’Extrême-Nord, mais comme une piqûre de rappel, une intrusion de combattants de Boko Haram pourrait changer vite cette quiétude. En comparant à présent les deux types de guerre asymétrique menée contre Boko Haram et les « Ambaboys », le morphotype du combattant de Boko Haram est repérable et celui-ci découvre son théâtre, alors que l’irrédentiste est dilué dans son écosystème et au sein de la population.

Enfin toute cette philosophie polémologique ne nous empêche pas d’avoir une pensée émue et patriotique à l’endroit de ceux de nos soldats tombés sur le champ d’honneur, et d’adresser nos encouragements à ceux dont le sacrifice suprême est le gage de notre intégrité nationale. Et à ceux-là, à eux-tous, la Patrie éternellement reconnaissante.

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