Le débat porte également sur la guerre d’influence entre la France et la Russie en Afrique et son impact sur la Françafrique.
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Diplomatie française au Tchad: l’après-Idriss Deby en pointillés

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La situation sociopolitique à Ndjamena fait craindre le chaos. Décryptage.

« Idriss Deby était un grand guerrier, un grand chef militaire, mais on oublie souvent de dire que c’était un grand stratège, un très fin politique qui en réalité a mené une politique de l’arlésienne pendant des années en faisant miroiter le déploiement de ce fameux 8e bataillon tchadien qu’on a attendu vraiment très longtemps alors qu’Idriss Deby lui-même avait toujours tenu un discours extrêmement dur vis-à-vis de ses partenaires occidentaux en les rendant très clairement responsables de la déstabilisation du sahel en raison de l’intervention en Libye ». On l’a entendu de la bouche de Dr Niagalé Bagayoko dans sa sortie disponible dans « Triptyque » du 18 mai 2021. L’appréciation (celle d’ « un héros à la renommée solidement établie », selon le géostratège Pr Joseph Vincent Ntunda Ebode)  que porte le politologue sur la personne du défunt chef de l’Etat tchadien offre aussi de comprendre le contexte sociopolitique actuel au Tchad. « La préoccupation majeure, c’est la situation interne du Tchad. Il faut regarder de très près ce qui va se passer au Tchad  dans les mois à venir », prévient Michel Goya.

Fragilités

Pour permettre de comprendre sur la complexité de la situation à laquelle le Tchad fait face depuis la disparition du maréchal Idriss Deby Itno, l’auteur de « Une révolution militaire africaine : Lutter contre les organisations armées en Afrique subsaharienne » (Amazon, 2020) part de problématiques très particulières, marqueurs forts des fragilités que connait actuellement le Tchad. Michel Goya croit que «le risque majeur, c’est le risque de déstabilisation interne, c’est-à-dire si cette transition politique se fait relativement calme, il y a un processus qui se met en place, il est possible aussi d’avoir un basculement de la situation un peu plus chaotique et là, ça poserait beaucoup de problèmes concrets pour la France ». A l’évidence, l’ancien titulaire de la chaire d’histoire militaire à l’École de guerre  fait le lien entre ce qui se passe aux marges de la gestion de la transition et les paradoxes qui peuvent obscurcir certains enjeux.

Au rang de ceux-ci se trouve le morcellement politique  probablement préjudiciable pour Paris. Cela est d’autant plus à craindre que les scènes gênantes d’activistes du Wakit Tama (un collectif de partis d’opposition et d’associations de la société civile, qui a appelé à manifester contre le Conseil militaire de transition, dirigé par Mahamat Idriss Déby) constituent un indicateur que rien ne va en interne. Et loin de l’anticipation de continuité qui a généralement prévalu et que Paris a cru devoir parrainer, Michel Goya parle certainement de ruptures, souhaitables ou à craindre.  Certainement aussi, le spécialiste de la guerre moderne, de l’innovation militaire et du comportement au combat lie le « risque de chaos » à l’urgence de la formulation,  par les autorités actuelles, d’un message pour la France dans un délai court. Concrètement, le tout est de choisir le processus décisionnel selon lequel ce message doit être défini, et avec quels instruments il pourra être défendu. Entre les mots de Michel Goya, Paris attend cela. « Ces derniers temps, l’actualité diplomatique entre Ndjamena et Paris impose de lever rapidement certaines hypothèques quant au message que la France attend. Et les caractéristiques présentes du système en place dans la capitale tchadienne ne permettent pas la mise sur pied rapide d’un outil permettant à la France d’exercer une puissance structurante, et non plus seulement de donner à voir une puissance de référence. Donc, il y a des craintes à ce niveau», avise Pr Belinga Zambo, politologue camerounais. De l’avis de ce dernier, l’agenda international dans lequel s’inscrit la France impose deux priorités : définir la posture de la diplomatie française à Ndjamena au Tchad, ainsi que sa nouvelle relation avec l’allié tchadien. D’où la pertinence de l’analyse de Michel Goya.

Jean-René Meva’a Amougou

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