Le gouvernement interdit la fabrication et la commercialisation des produits éclaircissants sur l’ensemble du triangle national. Réussira-t-il à arrêter ce phénomène aux conséquences désastreuses?
Crèmes corporelles, sérums, gélules, gel corporel, savons, lotions, la liste est loin d’être exhaustive. Ces produits décapants sont exposés dans les rayons de parfumeries et autres espaces marchands de la capitale économique camerounaise.
Propriétaire d’une boutique cosmétique depuis 2007 au marché Dakar, dans le 3ème arrondissement de la ville de Douala, Gildas M, réalise de bonnes affaires avec ces produits éclaircissants : «Aujourd’hui, toutes les femmes veulent devenir brunes. 9 sur 10 achètent des produits éclaircissants comme ‘’White Secret’’, ‘’Gold Skin’’, ‘’Plubelle’’ et ‘’Precious’’. Et vous avez d’autres clientes qui introduisent dans ces crèmes corporels des produits comme l’eau de javel pour avoir un résultat rapide, selon elles».
La dépigmentation de la peau est encouragée par les magazines de mode, les chaînes de télévision et les médias sociaux qui promeuvent les critères de beauté à l’occidental. Sans avoir consulté un dermatologue, les adeptes du blanchiment de la peau font des compositions de laits corporels. Un mélange qui ne répond à aucune norme scientifique. Adeline Mota utilise des crèmes éclaircissantes composées depuis deux ans. Les premiers effets néfastes sont visibles sur sa peau. Des marques noires sur les jonctures. «Je compose moi-même mon lait de toilette en suivant les conseils de la vendeuse de la parfumerie. A la base, je prends mon lait ‘’Piment Doux’’, je verse dans un bol, j’ajoute le sérum et le tube. Et pour avoir un teint uniforme partout, j’utilise un savon éclaircissant comme ‘’Mecaco’’ ou ‘’Net Skin’’. Cette composition marche bien avec moi», nous confie-t-elle.
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Ces crèmes éclaircissantes qui pullulent les marchés camerounais viennent de plusieurs pays. Certaines ne sont jamais passées par un laboratoire. «Nous avons des fournisseurs qui viennent nous livrer ces produits éclaircissants sur place. Ils se ravitaillent dans les pays comme le Togo, le Nigeria et la Côte d’Ivoire. Il faut d’énormes moyens financiers pour se lancer dans ce business. Environ 5 millions de FCFA pour acheter les produits. Nous prenons en détail chez eux selon nos moyens», explique Gildas M, gérant d’une parfumerie.
«Même chez nous ici au Cameroun, il y a des sociétés industrielles tapis dans l’ombre qui fabriquent et commercialisent d’autres produits et des tubes éclaircissants tels que ‘’Caro Fresh’’, ‘’B .B Clear’’, ‘’Perfect Clear’’, etc. Je vous ai dit plus haut que toutes les femmes veulent devenir brunes. Par contre les produits Biopharma et Lana Bio Cosmetics ne se vendent pas beaucoup comme les produits éclaircissants», précise notre interlocuteur.
Nocifs
Le dosage incontrôlé des produits éclaircissants est nocif pour la peau. Le dermatologue camerounais Alain Patrice Meledie apprend que les produits décapants commercialisés au Cameroun et en Afrique ont une forte concentration de 10 % et sont toxiques pour le corps humain. L’expert dresse la liste de ces substances dangereuses: «Le premier de ces produits très connu, c’est l’hydroquinone, qui est utilisé dans des différents produits cosmétiques à des concentrations variables. Le deuxième type de produit, les corticoïdes. Ce sont des médicaments très utiles pour les médecins pour régler les problèmes de santé de leurs patients, mais l’usage détourné et associé de façon quasi mécanique entraine une dépigmentation. Le troisième type de produit répond à une dénomination technique que l’on appelle les ‘’Acides alpha – Hydroxy’’. On les retrouve dans les cosmétiques sous le nom des ‘’Acides de fruits’’. Utilisés à des fortes concentrations, ils ont des effets délétères sur la peau. Vous avez aussi des produits moins répandus mais qui sont utilisés notamment l’eau de javel et les produits contenant le mercure.»
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Les amoureux de la dépigmentation s’exposent aux «infections graves qui se développent beaucoup plus facilement au niveau de la peau et ont des représentations dégoutantes. Il y a aussi des complications trophiques qui touchent à la beauté même de la peau : vous avez une peau qui devient beaucoup plus mince à tel point que les veines qui se trouvent en dessous deviennent visibles, les vergetures sont également mal vécues et constituent un motif de consultation des patients. Très inesthétique, au début rouges et ensuite jaunâtres, ces vergetures déchirent la peau sur des vastes étendues. On peut avoir aussi des complications concernant la coloration de la peau : vous avez familièrement ce qu’on appelle les ‘’quintos’’ au niveau des mains, des orteils, des genoux et des coudes. Et pour finir, les complications générales qui intéressent tout le corps humain. Il peut s’agit du diabète, l’hypertension artérielle, l’obésité et l’insuffisance rénale», déballe Dr Alain Patrice Meledie.
Ruffine Moguem
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