A l’orée de ses 38 ans de sacerdoce, Abbe Thomas Tchiaga,  66 ans, curé de deux paroisses dont la paroisse St Michel de Bomono, délégué des prêtres diocésains, responsable diocésain de la formation permanente des prêtres  et de la communication dans le diocèse de Nkongsamba, jette un regard horizontal et sans filtre et sans complaisance sur la situation du Cameroun.
Abbé Thomas Tchiaga : « si un prêtre ou un évêque célèbre une messe en faveur du chef de l’Etat, il n’y a rien de mauvais »
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Abbé Thomas Tchiaga : « si un prêtre ou un évêque célèbre une messe en faveur du chef de l’Etat, il n’y a rien de mauvais »

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A l’orée de ses 38 ans de sacerdoce, Abbe Thomas Tchiaga,  66 ans, curé de deux paroisses dont la paroisse St Michel de Bomono, délégué des prêtres diocésains, responsable diocésain de la formation permanente des prêtres  et de la communication dans le diocèse de Nkongsamba, jette un regard horizontal et sans filtre et sans complaisance sur la situation du Cameroun.

Dans son ouvrage A Cœur Ouvert  (un prêtre  s’exprime à bâton rompu sans tabou) l’archi curé  aborde avec froideur et pertinence les questions de politique, de gouvernance mais aussi sociale et  sacerdotale. Il se prononce sur les questions d’actualité comme les  inscriptions sur les listes électorales, le système électoral, les relations entre le clergé catholique et les hommes politiques.

En cette année, veille d’échéances capitales pour notre pays, quelques passages  de  son livre  témoignage raisonnent comme l’évangile du « Bon Berger  »  pour ramener les brebis égarées et en divagation aussi bien dans le clergé, la classe politique que dans la communauté toute entière.

Il est reproché à l’Eglise de faire de la politique. Est-ce son rôle de le faire ? 

L’Eglise  ne peut pas faire la politique. Cependant, il ne s’agit pas de la politique dans le sens mondain qui consisterait pour le clergé à  militer au sein des partis politiques. Il s’agit de politique dans le sens de l’église, c’est dire celui qui est l’art  de guider le peuple, d’éclairer les acteurs politiques. L’église doit même se mêler de la politique parce qu’elle est la lanterne qui éclaire la politique et les hommes politiques.

L’Eglise n’est-elle pas une opposition qui ne dit pas son nom ? (Lorsqu’elle demande aux chrétiens de marcher contre  une  loi).

Toute autorité venant de Dieu, l’homme est à la fin le but de toute entreprise. Chaque fois que la force de l’Eglise est offensée par la puissance du monde, l’Eglise  ne doit pas faire profil bas, l’Eglise doit intervenir énergiquement pour proclamer que l’homme doit être au-dessus de tout. L’Eglise qui a sa façon de dire non, doit organiser des marches silencieuses pacifiques de méditations.

Au regard de ses prises de position il se dégage le sentiment qu’au Cameroun, le clergé catholique est divisé entre  pro et anti gouvernement…

C’est caricatural ! Le clergé n’est point divisé comme vous le schématisez. Il faut se méfier de penser que l’Eglise est contre les hommes politiques. La politique fait partie du terrain sur lequel l’Eglise est appelée à se déployer. Jésus a côtoyé les hommes politiques comme Mathieu et Zachée. Il n’est pas mauvais d’aller vers les hommes politiques. On va vers eux pour les convertir et non pour se laisser pervertir. L’Eglise faillirait à sa mission si elle évitait les hommes politiques.  Si j’avais l’occasion d’aller à la rencontre du président de la République ; j’irai sans peur ni hésitation pour lui parler des actes qu’il pose et qui sont à  l’encontre  des vertus évangéliques et en même temps je le féliciterai et le bénirai pour tout ce qu’il fait pour nous rapprocher du Christ.

Couverture du livre « A Cœur Ouvert  (un prêtre  s’exprime à bâton rompu sans tabou)

Qu’est ce qui peut justifier qu’un prêtre se laisse phagocyter par un membre du gouvernement ou par un homme politique?

Il faut se garder de généraliser les choses, si une personne le fait cela ne veut pas dire que ce sont les membres du clergé qui le font. Si un prêtre ou un évêque célèbre une messe en faveur  du chef de l’Etat, il n’y a rien de mauvais, il prie pour celui qui selon la constitution doit diriger la nation camerounaise. Jésus a été avec les hommes politiques et les pécheurs et cela a fait un tollé. C’est dire qu’on ne limite pas le champ pastoral des hommes d’Eglise.

On dit qu’il faut changer ceux qui dirigent le pays…

Comment les changer ? C’est tout un système. Nous vivions un moment crucial et délicat… ce ne sont pas les personnes qu’il faut changer d’abord, mais une manière de penser, un système ancré, changer des vices qui se sont transformés en mode.

Plus concrètement monsieur l’Abbé…

La constitution qui régit l’élection du président de la République présente quelques failles à mon avis. Il faudrait, dans ce pays, une élection à deux tours… une limitation des mandats…un réel combat contre l’impunité générale, tout en préservant l’immunité des anciens présidents qui peuvent démissionner sans appréhension. Il est reconnu que la critique est aisée et l’art difficile.

Est-ce que vous appelez aux inscriptions sur les listes électorales ?

S’inscrire sur les listes électorales est un acte citoyen. J’ai récemment lu dans ma paroisse un communiqué invitant les personnes dont il figurait des erreurs sur leur carte électorale à se présenter au lieu indiqué pour rectification. J’ai précisé que c’était un communiqué citoyen car s’inscrire sur les listes électorales est un acte citoyen. J’appelle et encourage les citoyens à s’inscrire sur les listes électorales.

Constatez-vous un changement au Cameroun ?

Pas vraiment, si oui un changement négatif. Sur le plan matériel la vie chère, sur le plan social recrudescence de la violence et de l’injustice et sur le plan spirituel, une fuite des sacrements (…).

Socialement ou politiquement, que peut-on faire pour redresser le Cameroun ?

J’aurais souhaité vous entendre parler de soigner plutôt que de redresser.   Pour être soigné, il faut déjà reconnaître qu’on est malade. Il y a des signes avant-coureurs d’un malaise, il y a les symptômes d’une maladie. Il faut voir le médecin, se confier simplement et sincèrement à lui et attendre son diagnostic et son ordonnance. Les pires malades sont ceux qui refusent de se reconnaître malades. Le plus désolant c’est de voir  que la prise de conscience aussi bien collective qu’individuelle n’est pas à l’ordre du jour. On s’habitue à la médiocrité et on ne prend pas la pleine mesure de la situation dégradante. Je crains plus tard qu’on ait un pays de nihilistes. Il y a au Cameroun un problème qui ressemble à celui des générations ! Les vieux qui vivent de souvenir font comme si après eux ce sera le déluge et les jeunes qui projettent vers l’avenir et vivent comme si rien n’a existé avant eux.

Propos recueillis par R.T.

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