Bien qu’appréciées au regard de leurs états de service dans la lutte contre le terrorisme au Sahel, les troupes venues de Ndjamena ne brillent pas sur le front de l’exemplarité.
Sur les fichiers de la diplomatie française en Afrique, le Tchad est inscrit dans la liste des pays qui comptent. Le constat exsude des analyses que développent trois spécialistes en armement, sécurité et questions militaires internationales. Vis-à-vis de Ndjamena, Paris dispose d’arguments en se présentant comme le partenaire indispensable sur la question anti-terroriste sur la bande sahélienne. Dans « Triptyque » (une vidéo disponible sur YouTube depuis le 18 mai 2021), Michel Goya en est persuadé. Dans une lecture empreinte de profondeur historique et stratégique, le spécialiste de la guerre moderne, de l’innovation militaire et du comportement au combat postule que « le Tchad est un allié important de la France depuis longtemps, capable de mener des opérations extérieures, de projeter. Elle y est présente militairement depuis quasiment l’indépendance du pays, c’est l’endroit où les soldats français sont le plus tombés au combat depuis 50 ans ». La suite de l’analyse de cet expert (et non moins colonel des troupes de marine, docteur en histoire et ancien titulaire de la chaire d’histoire militaire à l’École de guerre) présente le Tchad comme « un allié important d’abord géographiquement – sa position géopolitique – c’est aussi parce que c’est un des rares pays africains qui a des forces dans les pays aux alentours et donc, c’est vraiment important pour la France dans la lutte contre le djihadisme ».
Lauriers
Si ce combat s’inscrit comme l’un des aspects devenus classiques des relations entre Ndjamena et Paris depuis l’apparition de nombreux groupes armés dans le Sahel, il reflète une structuration de l’action militaire, des rôles et des modes opératoires des troupes tchadiennes sur le terrain. Intervenant au cours de « Triptyque », Dr Niagalé Bagayoko (politologue et présidente du Réseau Africain du Secteur de la Sécurité, ASSN) tisse quelques lauriers aux forces tchadiennes. Selon elle, « le rôle du Tchad sur son territoire dans la lutte contre les groupes issus de Boko Haram, l’Etat islamique, évidemment a un engagement absolument majeur depuis plusieurs années. Sur le flanc du sahel central, l’engagement tchadien a été déterminent notamment aux côtés des forces de l’opération Serval en 2013 ». En effet, selon un article paru le 17 mars 2013 sur le site du quotidien français « Le Figaro », l’on apprend que sous le commandement du général Mahamat Déby (fils du défunt président Idriss Deby et actuel chef du Conseil militaire de transition au pouvoir à Ndjamena), « l’armée tchadienne avait été chargée de fermer l’étroit goulot à l’est, tandis que les soldats français de l’opération «Serval» progressaient depuis l’ouest ». Dans sa description, la revue géopolitique l’EchoGeo met en exergue « une forme originale de pratique militaire ». Repérés dans un autre article paru le 21 avril 2021 sur le site de l’Association de soutien à l’armée française, d’autres éléments sont plus révélateurs. « Les forces tchadiennes sont robustes et aguerries, reconnaît-on chez les militaires français. Elles ont démontré des capacités de combat dès le lancement de Serval en 2013. Un bataillon tchadien de 1 400 hommes s’était rendu rapidement à Menaka dès le début du conflit », y lit-on.
Dérives
Bien sûr, ces indices attribuent une certaine bravoure à l’armée tchadienne qui a su mettre un coup d’arrêt à certaines menaces terroristes dans la bande sahélienne, Dr Niagalé Bagayoko a une position nuancée. Selon elle, le prestige des soldats tchadiens engagés à divers fronts est écorné par des abus… et hélas des violations des droits de l’homme. Et de citer : « Le fameux 8e bataillon tchadien est arrivé en mars 2021 seulement dans la région du Tera au Niger, il s’est avant tout illustré non pas par ses performances opérationnelles, mais par le comportement de certains de ses soldats qui ont violé des civils notamment une petite fille de 11 ans, des femmes enceintes sous les yeux de leur mari, et l’une des faiblesses du Tchad est en réalité qu’il s’agit d’une armée de guerriers mais s’agit-il d’une armée de soldats capables de respecter les règles professionnelles sur le terrain ? A mon avis cela fait en réalité un allié très fragile de la France dans son engagement au Sahel ».
Concrètement, l’on parle d’indiscipline dans les rangs des militaires tchadiens. C’est ce que mentionne le général Dominique Trinquand dans « Triptyque ». A en croire l’ancien chef de la mission militaire française auprès de l’Organisation des Nations unies (Onu), « les capacités guerrières des Zagawa globalement qui sont de remarquables guerriers, on l’a vu, ce qu’ils ont fait à côté de l’opération Serval, ils sont de remarquables guerriers, mais avec un côté d’absence de discipline et de régulation du guerrier qui devient un soldat, qui est une évidence ». Le relever, exemples à l’appui, c’est à cet exercice que se soumet Michel Goya. « Les troupes tchadiennes se sont fait virées deux fois de Centrafrique pour leur comportement effectivement, ça c’est le côté embarrassant de l’alliance française », dit-il au cours de « Triptyque ».
Jean-René Meva’a Amougou
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