« Tirailleurs Sénégalais » : 80 ans plus tard, Limo Star se souvient de nos héros tués par la France

En pleine année de double commémoration du  63e et du 80è anniversaire de l’assassinat du révolutionnaire congolais Patrice Emery Lumumba et des soldats africains « abusivement appelés tirailleurs sénégalais » ayant combattu pour libérer la France du nazisme, l’artiste camerounais vivant en Italie, Limo Star, dans un style reggae à la Tiken Jah Fakoly, présente son dernier album « Tirailleurs Sénégalais », sorti en décembre dernier.

Cette page sombre des relations entre l’Afrique et la France passionne l’artiste. A l’en croire, « c’était l’Afrique qui avait combattu aux côtés de la France pendant la deuxième guerre mondiale. La France a pris les meilleurs tireurs pour aller combattre à ses côtés. Le Sénégal était le point de départ. Après la guerre, les Français devaient payer les salaires des combattants africains. Ils ont combattu contre l’Italie et ils ont gagné. Ils ont donné la victoire aux Français ».

Après la victoire de 1944, raconte cet historien d’un autre genre, plus de 86% des troupes françaises étaient des noirs. La France va les remplacer par des troupes marocaines pour faire croire à sa population qu’il s’agissait des combattants blancs. Une discrimination teintée de racisme dénoncée par Limo Star. « Ils ont réclamé leurs arriérés de salaire et ont demandé que la discrimination prenne fin. Les Français ont suivi leurs problèmes, le 1er décembre 1944, on a ouvert le feu sur eux. D’autres ont été attrapés comme des prisonniers de guerre », raconte-t-il.

Contrairement aux déclarations officielles françaises qui font état de 35 soldats africains tués, Limo Star révèle que le massacre par l’armée française dans un camp militaire à Thiaroye au Sénégal, a fait entre 300 et 400 victimes.  Ces tirailleurs ont combattu sous l’uniforme français pendant la Seconde Guerre mondiale, où « 17 mille noirs ont perdu la vie », se souvient Limo Star.

Ces douleurs traversent plusieurs générations d’africains et nourrissent le vent panafricaniste en cours sur le continent depuis plusieurs années. Côté français, on évite d’en parler publiquement et de présenter les excuses aux descendants de ces soldats. « Ces douleurs nous hantent parce que les français n’ont jamais parlé de ça, parce qu’ils ont cherché à nettoyer l’histoire. Plusieurs familles de ces soldats n’ont plus de leurs nouvelles. Dans l’album, je demande à la France, où sont nos frères ? Où sont les héros de l’Afrique ? »

De son vrai nom Emmanuel Ngonga, 48 ans, Limo Star chante depuis son enfance. C’est pendant les louanges et les adorations à l’église qu’il puisait son inspiration. Son père spirituel Tchana Pierre ne le verra, malheureusement, pas percer. « Avant que je ne parte du pays, on était toujours ensemble, il m’avait dit qu’il devait me tenir la main », se souvient-il. Des souvenirs qui remontent avant la sortie de son premier album « Bakassi » en 1996.