Dans ce spécial Mboti Week 2024, notre reporter vous entraîne dans le style, la photographie et le sublime de ce rendez-vous de mode.
Max Mbakop : « en photographie de mode, on vend d’abord la création avant le modèle photo »
Sollicité pour animer l’atelier photographie de la 5ème édition de Mboti Week le 30 septembre 2024 à l’Institut français du Cameroun à Douala, Max Mbakop, artiste visuel (photographe, vidéographe, etc…), metteur en scène et marionnettiste camerounais, a mis son expérience et ses compétences à la disposition de 5 jeunes passionnés de ce métier. Dans cette interview accordée à La Plume de l’Aigle, il parle de la photographie de mode, ses règles ainsi que de la place du photographe à l’ère des appareils photos intégrés dans les téléphones portables.
Vous avez été sollicité cette année pour animer l’atelier de photographie de la 5ème édition de Mboti Week. Qu’est-ce qui vous a été demandé comme contenu par le comité d’organisation ?
On est dans un festival de mode et ce qui m’a été demandé c’est d’essayer en tant que photographe de parler de la photographie de mode. C’est ce à quoi nous nous sommes attelés aujourd’hui, en essayant de rentrer dans l’esprit même de ce que c’est parce que beaucoup de personnes pensent que la photographie de mode c’est juste venir faire des photos des personnes habillées d’une certaine façon, ou bien filmer des vêtements de certains couturiers ou de certains créateurs. Sauf que, ça va vraiment au-delà de ça, parce qu’on parle de création et il faut savoir les mettre justement en valeur. Donc, il faut apprendre à se fondre là-dedans et ressortir ce qui doit vraiment être ressorti. C’est à peu près ce que nous avons eu à voir aujourd’hui.
Dans votre propos, vous avez parlé de photographie de mode. Qu’est-ce que c’est réellement et quelles sont les différentes règles que devrait connaître un photographe pour assurer de façon optimale et efficace la couverture d’un événement de mode ?
C’est une très belle question. Elle est très pertinente parce que chez nous au Cameroun, on a souvent l’habitude de balayer, de passer de façon superficielle sur beaucoup de choses. Ça ramène à quoi ? Déjà, la photographie est très large, elle a des spécificités, des règles bien précises à respecter. Il y a par exemple ce qu’on appelle le photojournalisme, je ne peux pas rentrer là-dedans sans être quelqu’un de très cultivé, quelqu’un qui lit beaucoup (rires). Parce qu’on ne se lève pas comme ça et puis quand on parle de journalisme, c’est du concret, c’est du réel et on ne modifie pas l’information. Donc, c’est pareil aussi avec la mode. Si tu veux entrer dans la photographie de mode, il faut vraiment rentrer dans la chose, se rapprocher des créateurs de mode, essayer de rentrer et comprendre leur univers, essayer de comprendre ce qu’ils veulent mettre en avant, ce qu’ils recherchent. C’est la somme de tout ça qui essaie de façonner en fait votre regard aussi en tant que photographe.
C’est un travail de collaboration entre le photographe et le styliste. Il faut savoir se demander mais qu’est-ce qu’on vend ? Parce que les gens ont toujours tendance à penser que la photographie de mode c’est juste venir poser, etc…mais non. C’est la création d’abord qu’on vend avant le modèle photo. Et même là-dedans, on rentre encore en profondeur parce qu’on va toucher au modèle. Le modèle doit aussi être intelligent. Les modèles ne sont pas juste des gars inertes comme ça à qui on doit venir dire ce qu’ils doivent faire. Ils doivent aussi comprendre la création, comprendre ce que le créateur veut mettre en avant pour pouvoir l’accompagner, proposer des postures et des attitudes qui vendent mieux les produits, le vêtement, la création. Et là maintenant, faciliter aussi la tâche au photographe de pouvoir mettre tout ça en scène et capter l’image. Donc, si tu viens en tant que photographe et que tu rentres dans la mode juste parce qu’il faut capter, filmer et autre, c’est clair que tu vas passer à côté de la plaque. C’est pourquoi lorsqu’on rentre dans un métier, il est important, voire même impératif de chercher à connaître son fonctionnement. Question d’éviter de confondre les choses comme beaucoup confondent la photographie à plein d’autres choses-là dehors. Donc, il est impératif de beaucoup lire, s’informer, avoir la culture de la mode, c’est-à-dire voir ce que les autres photographes font, regarder ce qu’on fait dans le monde et chercher aussi à toucher les meilleurs parce que c’est en touchant les meilleurs qu’on essaie de se situer aussi. Ça permet également de travailler son regard, son identité, sa réflexion.
Aujourd’hui avec la technologie et l’arrivée des smartphones, on voit de plus en plus d’appareils photo intégrés dans les téléphones. Quel est le conseil ou l’astuce que vous, en tant que professionnel, pouvez donner à tous ceux qui disposent d’un téléphone, pour qu’ils puissent réaliser de belles photos ?
Comme j’aime souvent dire, la photographie c’est une sorte de perception de ce qu’on rencontre au quotidien, de ce qu’on voit tous les jours. Maintenant comment est-ce qu’on voit, comment est-ce qu’on perçoit, comment est-ce qu’on arrive à identifier ce qui nous intéresse ou ce qui peut intéresser l’autre, là c’est une question qui nous est propre. Quand on arrive à avoir ce petit déclic ou cette petite réponse là, ça nous permet de trouver justement des moyens pour pouvoir prendre en fait des images. Maintenant à côté, concernant des techniques, là tout de suite, j’ai juste envie de dire dans un premier temps qu’il est important de lire, de s’informer. Aujourd’hui on a internet qui est tellement ouvert, et là vous avez des techniques de photographie qui sont vraiment partagées gratuitement. A côté de cela, il faut aussi s’inspirer de notre ressenti parce que la photographie c’est aussi un ressenti. Comme on l’a défini en début d’atelier, la photographie c’est l’écriture avec la lumière. C’est comme un écrivain quand il veut s’asseoir et qu’il plonge dans ses textes, il pense avant d’écrire. Le photographe aussi doit penser avant de déclencher. C’est-à-dire qu’il doit se demander qu’est-ce qu’il a envie de filmer ? C’est quoi son sujet ? Qu’est-ce qu’il a envie de raconter ? Quand on a des réponses à ces questions, ça permet d’avoir une meilleure qualité d’image.
Avec la montée en puissance de ce phénomène, pensez-vous que le photographe professionnel continue d’avoir sa place dans la société?
On a tous des appareils photos à travers nos téléphones portables. Mais c’est clair que de manière professionnelle, un téléphone portable ne pourra jamais être un appareil photo. C’est juste une question de technique parce qu’une fois que la photo sort du téléphone, elle n’est plus vraiment utilisable car, dans le téléphone, elle est bien pour le Web, pour illustrer des articles mais, vraiment en petits formats. Quand on commence déjà à agrandir des photos qui sortent des téléphones portables, ça commence à perdre de sa valeur, ça se dégrade. Et là tout de suite, on commence à ressentir les limites du téléphone et justement, de pratiquer la photographie avec un téléphone. Par contre, avec un appareil photo, c’est très facile. En conclusion, on aura tout le temps besoin des photographes professionnels pour pouvoir nous accompagner, fixer le temps et raconter les choses à travers la photographie.
Entretien mené par Fadira Etonde
Photographie : au Carré des artistes à Bonapriso, Gerysann met à nu la beauté de la peau noire
Le photographe professionnel Gerry Sandjo a plongé les habitants de ce quartier de la capitale économique camerounaise dans l’univers fascinant de son exposition photo intitulée « 5 à nu ». Un projet qui met en exergue l’évolution de l’artiste et son laisser aller dans la photographie de la peau noire qu’il affectionne.
L’exposition s’est déroulée le 4 octobre 2024, au Carré des artistes situé au quartier Bonapriso, dans le 1er arrondissement de la ville de Douala. Elle était intitulée « 5 à nu ». Un titre qui renferme une grande histoire de la vie et l’expérience du corps en mouvement de son auteur, Gerysann, par ailleurs danseur. Il s’est découvert cette passion à l’âge de 5 ans et a passé une grande partie de son enfance à jongler avec plusieurs autres formes d’arts notamment le chant, le dessin, l’écriture, puis la photographie qu’il exerce à titre professionnel aujourd’hui.
Il situe le public venu apprécier la qualité et l’authenticité de ses œuvres dans le contexte et l’état d’âme dans lequel il se trouvait en prenant chacune de ces photos : « La série de 5 à nu c’était pour mettre en exergue ma transition, mon évolution et surtout mon laisser aller à faire un peu plus de ce que j’aime faire dans la photographie, c’est-à-dire, la photographie de peau, plus précisément de la peau noire. Le 5 parce que je voulais challenger les 5 sens et essayer de vous rendre confortable avec l’inconfortable. 5 aussi parce que j’ai conçu cette série en 2022 donc, ça faisait exactement 5 ans que j’étais dans le monde de la photographie professionnelle ».
« Le nu quant à lui, poursuit-il, c’était surtout par rapport à moi. J’ai voulu m’exprimer sur la retouche, sans tissu, sans couleurs. Vous voyez que sur les photos, les couleurs qui reviennent le plus, c’est le marron, il y a un peu de rouge, il y a beaucoup de blanc. Donc, c’est juste mon expression à moi ».
Réactions
Cette exposition réalisée sur sept modèles photos est la principale touche d’innovation apportée à la 5ème édition de Mboti Week placée sous le thème : « artisans et métiers ». Venue soutenir son fils aîné Gerysann et découvrir son talent comme tous les autres invités, Solange Sandjo se dit « très fière de lui parce que pour un enfant qui a fait de grandes études, son père et moi avons pensé qu’il pouvait être un diplomate mais, il a choisi son chemin. Il ne s’est pas trompé et pour ça seulement, je suis fière. J’aime les tableaux, son inspiration et tout ce que je souhaite c’est qu’il aille de l’avant ».
Pour Benjamin Tagani, ces photos sont intéressantes en ce sens qu’elles « sont loin d’être des photos qu’on voit tous les jours car, elles montrent la beauté du corps humain. Il y a un côté artistique à la photo, mais je crois qu’elle est aussi traitée digitalement ce qui fait que c’est moins ennuyeux, c’est innovateur et c’est très beau ».
Selon la commissaire de l’exposition, Louise Abomba, les photos resteront au Carré des artistes jusqu’à la fin du mois d’octobre afin de permettre aux visiteurs de revivre l’expo.
Fadira Etonde
Culture Sawa : « Mami Wata » de Marius Nya en vitrine
Après sa première présentation de mode « Magne si » à l’acte 4 de la semaine du vêtement, le styliste camerounais âgé de 28 ans rend hommage cette année aux peuples de la ville qui l’accueille.
« Mami Wata ». C’est le nom de la collection présentée par le styliste Marius Nya, le 1er octobre 2024 à l’Institut français du Cameroun (IFC) de Douala, lors de la deuxième journée de la 5ème édition de Mboti Week. Les amoureux de la mode de la capitale économique ont assisté au spectacle offert par « House of Mve » de Marius Nya.
Sa collection était composée de 12 tenues, dont 7 pour hommes et 5 pour femmes. Côté masculin, on a : un pantalon tailleur avec un par-dessus à manches courtes ouvert ; pantalon tailleur avec une chemise à longues manches ; pantalon super cent en tissu avec chemisette ; deux culottes avec deux chemisettes col pasteur ; un sandja avec une sorte de boubou, etc… Et chez les dames, une robe soirée coupe sein avec des motifs confectionnés à base de tissu ; des boubous…
A travers ces différentes tenues, Marius Nya a voulu « rendre hommage au peuple Sawa. Je vis à Douala, c’est la ville qui m’a vu naître, j’ai grandi ici et en plus, nous sommes à la veille du Ngondo », explique le styliste originaire de la région de l’Ouest.
Mami Wata qui est le nom de sa collection, signifie dans son essence, » Jengu » en langue Douala. Une croyance qui occuperait une place importante dans le culte Sawa. C’est la raison pour laquelle, « j’ai voulu remettre ça au-devant de la scène parce que je pense que nous sommes une génération en perte de repères. Il est donc important que l’on se réapproprie nos valeurs culturelles car, ce sont ces éléments qui font de nous ce que nous sommes et qui sont des constituants fondamentaux de notre identité », pense Marius Nya.
Fadira Etonde
Elsa Pouga ressuscite les jeans
Promotrice de « Modish Poug » et amoureuse de la mode durable, Elsa Pouga, 21 ans, recycle le jean pour confectionner des vêtements. Son génie était à l’honneur à la 5ème édition de Mboti Week.
Elle prend les jeans jetés ou négligés et les recycle pour confectionner de magnifiques tenues d’apparat. Créatrice de mode, Elsa Pouga a choisi le jean pour exprimer le génie créatif de ses mains et l’originalité de son imagination. Elle a ébloui les habitants de Douala 5ème avec sa collection baptisée « Denim Fusion ». C’est un ensemble de vêtements réalisés à partir d’un mélange de plusieurs jeans. La styliste de 21 ans a présenté ses chefs-d’œuvre le 2 octobre dernier au Rond-point Istama à Sable Bonamoussadi, lors de la street fashion performance de la troisième journée de Mboti Week.
Sa collection est composée d’environs sept tenues : un pantalon cargo larges pieds avec poches, réalisé à partir de plusieurs morceaux et couleurs de jeans, avec une touche délicate de couture visible et une poche plaquée surpiquée supplémentaire sur le genou droit. Le pantalon est accompagné d’une chemisette crop-up noire, col châle, avec une ouverture sur la poitrine. Un coupe seins jean arboré avec une jupe longue jusqu’au sol, faite à partir de plusieurs pièces de jeans avec des poches italiennes au niveau des hanches et une autre poche plaquée surpiquée sur la cuisse gauche. Un gang confectionné à partir de plusieurs nuances de jean et agencé de façon singulière et élégante avec un chapeau large bord et un éventail en jean…
Heureuse d’être à la fashion week du Cameroun, Elsa Pouga veut à travers cette collection, « montrer aux gens et au monde qu’on peut faire des choses assez extraordinaires avec du jean ». Elle précise qu’elle est « une amoureuse de la mode durable, c’est-à-dire, tout ce qui est écologique, écoresponsable ».
Sa marche vers le stylisme
Petite, Elsa Pouga voulait devenir danseuse ou mannequin. Mais sa mère s’y est catégoriquement opposée. Pour l’amener à changer de vocation, elle lui achète des poupées et c’est là qu’elle se découvre une passion pour le recyclage et le stylisme. « Sincèrement, je détestais les habits qu’on mettait aux poupées, ça m’énervait. J’ai donc commencé à travailler avec les chaussettes de mon père que je découpais. J’utilisais les plastiques qu’il y avait à la maison pour habiller mes poupées. J’avais même commencé à couper mes propres vêtements pour m’habiller moi-même comme je voulais car ce que ma mère m’achetait ne me plaisait pas », se souvient-elle.
Après l’obtention de son Bepc, il lui sera conseillé de poursuivre ses études secondaires en IH (Institut d’habillement). Chose qu’elle fera. Après le baccalauréat, la jeune créatrice de mode va s’inscrire à l’académie libre des beaux-arts où elle prépare actuellement une licence en fashion design.
En termes de projets, la camerounaise ambitionne transcender les frontières avec sa thématique qui est le jean et avec le temps, inaugurer le siège physique de sa maison de mode « Modish Poug ». Elle compte aussi « créer une académie pour les stylistes parce que si on regarde ici au Cameroun, il n’y a pas vraiment d’établissements qui forment les designers de mode ou les stylistes », déplore celle dont les principaux clients sont les amateurs de mode et quelques artistes locaux.
Fadira Etonde
Möt Olugu, la création féminine qui valorise l’élégance de l’homme
C’est une collection réalisée par les mains délicates et bienveillantes de Josey Assembe, une styliste modéliste en haute couture masculine et promotrice de JA Concepts, un établissement de mode. Elle a présenté ses créations le 5 octobre 2024 au Best Western hôtel de Douala.
17. C’est le nombre de tenues que comportait la collection « Möt Olugu » de la maison de couture JA Concepts. Cette collection signifie en langue bantou « un homme de gloire, un homme de valeurs », explique Josey Assembe. Les créations ont été présentées le 5 octobre 2024, au Best Western hôtel de Douala, lors de la première journée de « The main show » de la 5ème édition de Mboti Week, qui s’est achevée le dimanche 6 octobre.
Des pantalons super 100, super 120 et super 180. Une veste croisée avec des motifs de tissu pagne et un gros boubou sur le ventre. Un boubou large manches assorti d’un tissu en matière baoulé plié posé sur l’épaule. Ce sont là les différentes tenues qui composaient la collection « Möt Olugu » de JA Concepts. Des vêtements faits à partir des matière d’ici et d’ailleurs, telles que le lin, kenté qui vient du Ghana et du Togo.
Une collection riche en couleurs à travers laquelle Josey Assembe voulait « montrer l’élégance de l’homme, comment il est. Mais aussi de montrer aux gens que nous les créateurs, on ne fait pas que des tenues très extravagantes qui ne correspondent pas avec la vie de tous les jours, comme les gens ont souvent l’habitude de dire. J’ai voulu montrer que tous les jours, on peut être bien habillé avec du JA Concepts, aller au travail avec une pointe d’originalité », précise-t-elle.
A la question de savoir pourquoi elle a choisi d’habiller les hommes, celle qui aura bientôt trente ans confie : « J’aime voir les hommes bien habillés. N’ayant pas grandi avec une figure paternelle, dans ma tête de petite fille, je m’imaginais à quoi est-ce-que je voulais que mon papa ressemble. Et cette collection c’est la représentation de l’homme que j’aurais aimé qu’il soit ».
Cette collection est le premier bébé de Josey Assembe, qui cumule 15 ans d’expérience dans le domaine. Mboti Week est selon elle, « la vitrine de la mode qui donne la possibilité à nous, jeunes créateurs de faire nos premiers pas. J’espère vraiment que ça va m’ouvrir d’autres portes ».
Fadira Etonde
Apothéose : les empreintes indélébiles d’Afrókrema
La jeune start-up camerounaise a ébloui le public par sa créativité, son originalité et son sens de l’innovation le dimanche 6 octobre 2024, à la clôture de la 5ème édition de la semaine de la mode de Douala.
Mboti Week a refermé ses portes le dimanche 6 octobre 2024 à minuit, au Best Western hôtel de Douala. Plusieurs activités ont marqué cette dernière journée de célébration de la mode camerounaise. Parmi elles, la remarquable présentation d’Afrókrema, une jeune start-up camerounaise spécialisée dans la coiffure africaine et dont la mission est de « promouvoir le savoir- faire culturel camerounais et valoriser l’art capillaire qui tend à disparaître », fait savoir Mikelange, directeur artistique et Ceo d’Afrókrema.
La start-up a captivé l’attention des 300 personnes venues assister au dernier « Main show » de Mboti Week, par ses œuvres capillaires architecturales africaines et ses costumes osés. Les 6 coiffures artistiques présentées à cet évènement racontent une histoire assez percutante qui allie tradition et modernité. On y voit clairement une fusion entre les techniques des coiffures ancestrales des femmes de la tribu Ibo du Nigéria, généralement représentées sur les masques Agbogho-Mmuo, et l’art de la ferronnerie des balcons français.
Tels des chefs-d’œuvre, chacune de ces coiffures mettait en valeur les cheveux afro, ceux-là même qui caractérisent la belle femme noire, la femme africaine. « Nous avons constaté que l’art capillaire était un petit peu biaisé au Cameroun et en Afrique aussi. Nous avons donc pensé qu’il fallait qu’on ramène un peu les gens à la source. C’est pourquoi on a voulu pour cette soirée du Mboti, remettre au-devant de la scène ce qu’on appelait » Npan Minga » qui signifie en langue Eton, la grande femme, la femme belle, la femme valeureuse. Une façon pour nous de dire qu’on se sent mieux africain et belle avec ces coiffures propres à notre continent et qui illustrent parfaitement notre richesse culturelle », explique Mikelange.
Créations
Mikelange, Luc et Elie sont les trois têtes pensantes et créatrices qui font rayonner Afrókrema. Pour réaliser les coiffures présentées à la fashion week du Cameroun, les trois créateurs ont utilisé la mèche noire, plutôt que la laine ou les cheveux de leurs modèles, avec lesquels ils ont l’habitude de travailler. En plus des coiffures, Afrókrema a également emballé la foule avec ses costumes originaux, des pièces savamment confectionnées qui combinent artisanat local et haute couture contemporaine, avec un point d’honneur sur les tissus pagnes et des accessoires fabriqués à base de bois et d’autres matières qui magnifient la femme africaine.
C’est sur cette collection de coiffures et de costumes africains que s’est refermée la 5ème édition de Mboti Week, l’évènement de mode qui se positionne comme une vitrine de promotion du talent et de la créativité des jeunes créateurs camerounais. Le rendez-vous est donc pris pour l’année prochaine, pour une autre aventure exceptionnelle.
Fadira Etonde
Kathy Mingele : « le mannequinat va au-delà du fait de savoir bien marcher et d’avoir un beau visage »
Ancienne mannequin camerounaise, Kathy Mingele est depuis 2021 la directrice de casting et coordinatrice des backstages de Mboti Week. Elle nous livre quelques secrets du mannequinat et revient sur les critères de sélection des mannequins de la 5ème édition de l’évènement de mode qui s’est tenu à Douala du 30 septembre au 6 octobre 2024.
Bonjour Madame, pouvez-vous vous présenter à nos lecteurs s’il vous plaît ?
Je m’appelle Kathy Mingele, je suis à la tête d’une structure qui propose des services de management, de production d’évènements de mode et de casting de mannequins. Je suis également la directrice d’une agence de mannequins nommée NSM Manageent. Je suis installée en Côte d’Ivoire depuis 2 ans. Pour le compte Mboti Week, je suis à la fois directrice de casting et coordinatrice des backstages. Les années précédentes, je dirigeais le casting à distance (via internet) mais cette année grâce à l’IFC de Douala, j’ai enfin pu faire le déplacement pour diriger le casting en personne. J’ai été mannequin mais j’ai raccroché mes escarpins depuis un moment, même s’il m’arrive encore de faire quelques défilés.
Durant la semaine de la mode de Douala, on a vu des jeunes filles et garçons défiler et poser pour des marques de vêtements. Ce qui a suscité en nous plusieurs interrogations notamment, celle de savoir ce que c’est réellement un mannequin ?
Un mannequin est chargé de mettre en valeur les créations et les produits d’une marque de mode. Il le fait à travers entre autres, des campagnes photos, vidéos et des défilés comme ce fut le cas durant Mboti Week. Le mannequinat va bien au-delà du fait de savoir bien marcher et il n’est certainement pas question d’avoir un beau visage ou pas. Dans mannequinat, on parle en termes de profil parce qu’on s’intéresse plus à l’harmonie des traits du visage, au charisme et à l’attitude de la personne. Et ces facteurs lorsqu’ils sont mis tous ensemble, ils permettent de mieux mettre en valeur les créations et le produit des marques de mode.
Pour cette 5ème édition de Mboti Week, quels ont été les critères de sélection des mannequins, combien de candidats se sont présentés au casting et vous en avez retenu combien ?
Alors lorsque je fais le casting, je recherche des mannequins qui se rapprochent le plus des standards internationaux parce que pour que Mboti Week tutoie les sommets, il faut s’aligner aux pratiques de l’évènementiel de mode à l’international. Et cela va du casting des mannequins à la production des défilés. Pour cette édition, on a reçu un peu plus de 200 candidats et nous avons retenu 42. Le poids, l’âge et la couleur de peau ne sont pas des critères déterminant pour moi sur le casting de Mboti Week. Je m’attarde surtout sur la taille, le catwalking (la démarche du mannequin) et l’attitude générale du mannequin. Pour revenir sur la taille, il fallait avoir au moins 1m75 chez les femmes et au moins 1m85 pour les hommes. Notre casting a toujours été inclusif, c’est-à-dire qu’on travaille aussi avec les mannequins « plus size » et ce depuis le début de Mboti. Tant que le candidat répond aux critères de sélection communiqués sur l’affiche du casting et qu’il donne ce que nous recherchons sur le T (nom technique qu’on donne à un podium de défilé), nous n’hésitons pas à le prendre, quelle que soit sa corpulence.
On a constaté que la majorité des mannequins étaient de très petite corpulence. Est-ce à dire qu’un mannequin doit avoir une hygiène de vie assez particulière pour garder la même forme?
Bien sûr qu’un mannequin doit avoir une bonne hygiène de vie. Vous savez, le mannequinat est un métier comme les autres, où le principal outil de travail du mannequin c’est son corps. Il va donc de soi qu’en tant que mannequin il faut avoir une certaine hygiène de vie, que l’on soit un mannequin aux mensurations standards ou un mannequin « plus size ». En gros, il faut surveiller ce qu’on mange et ce qu’on boit, faire régulièrement de l’exercice et avoir une bonne hygiène corporelle.
D’aucuns ont souvent tendance à penser que mannequin et miss/master, riment ensemble. Y-a-t-il une différence entre les deux?
Oui, il existe une grosse différence entre les 2. Déjà les miss/master ce sont des concours de beauté. A ce niveau je crois que tout ou presque est dit dans l’intitulé. Quant au mannequinat, c’est une profession à part entière pour laquelle il faut développer des compétences particulières, apprendre à gérer une carrière. Le mannequinat ne regarde pas les standards de beauté classique. On parle beaucoup plus de profils, de silhouettes et de photogénie. On ne demande pas à un mannequin quel est son projet pour la société par exemple, on lui demande juste d’être capable de mettre en valeur un vêtement, de transmettre une émotion qui va pousser la personne qui regarde à une action précise.
Quel bilan faites-vous de cette 5ème édition de Mboti Week et pouvez-vous nous donner quelques chiffres en ce qui concerne le nombre de créateurs de mode qu’il y avait cette année ?
Un bilan très prometteur et je pense que les avis sont unanimes là-dessus. La 5e édition est jusque-là la meilleure édition de Mboti Week et c’est l’objectif que nous avions avec Freddy et le reste de l’équipe quand nous avons commencé à travailler cette année. Notre challenge est de faire mieux, de proposer mieux à toutes les parties prenantes de l’évènement à chaque nouvelle édition, et par ricochet, redonner ses lettres de noblesse à l’événementiel de mode au Cameroun comme autrefois. Nous avons eu la participation d’une bonne trentaine de créateurs de mode pour cette édition, et espérons en avoir un plus pour la 6e édition. Mboti Week c’est une plateforme qui met en avant le travail des créateurs de mode locaux et internationaux également, plusieurs talents sont découverts par le grand public camerounais et étranger durant la Mboti Week.
Entretien mené par Fadira Etonde
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