Lire l’intégralité du discours du président de la République du Cameroun Paul Biya à la veille du 20 mai 2020.
Camerounaises, Camerounais,
Mes chers compatriotes,
Je ne m’adresse pas habituellement à vous à la veille de notre Fête Nationale. Elle est traditionnellement l’occasion de célébrer, dans la joie, notre unité nationale ainsi que les valeurs de notre République et de notre démocratie.
Aujourd’hui, le contexte est différent. Comme la plupart des pays du monde, le Cameroun est atteint par le COVID-19. Notre système de santé est mobilisé pour combattre cette grave maladie. Diverses dispositions, annoncées par le Premier Ministre, ont été prises pour freiner la propagation. Il est impératif que les consignes qui ont été données (port de masques, distanciation physique, lavage fréquent des mains) soient scrupuleusement respectées. Il y va de la santé de tous et de chacun.
Dans ces conditions, il n’était pas possible que les festivités qui marquent notre Fête Nationale soient maintenues, en raison des rassemblements que cela implique. Ce n’est évidemment pas de gaieté de cœur que j’ai dû prendre cette décision. Mais ma préoccupation principale étant la protection de la santé de mes compatriotes, il n’y avait pas d’hésitation possible.
La plupart d’entre vous ont bien compris que devant le danger sournois que représente le COVID-19, il convenait de mettre de côté les querelles politiciennes et de présenter un front commun. Certains dirigeants politiques qui n’appartiennent pas à la majorité gouvernementale se sont exprimés dans ce sens. Je les en remercie.
Nous avons eu également la satisfaction de recevoir l’aide et les encouragements de pays amis, d’organisations internationales, de dirigeants d’entreprises nationales et étrangères, ainsi que de diverses personnalités comme M. Jack MA de la fondation Alibaba. Je veux ici les remercier en votre nom.
Mes chers compatriotes,
La première chose que je voudrais vous dire en ce jour est de ne pas céder à la panique, et de ne pas croire les fausses informations véhiculées par les réseaux sociaux notamment. Le défi est certes grand, mais nous sommes capables de le relever ensemble comme nous l’avons fait en de nombreuses autres circonstances.
Je veux aussi que vous sachiez que le Gouvernement, sous mon impulsion, fait le maximum possible pour nous sortir de cette grave crise sanitaire.
Comme je l’ai dit, les mesures de protection ont d’ores et déjà été prises pour contrer la propagation du COVID-19 sur notre territoire.
Malgré cela, le nombre de personnes infectées augmente de jour en jour, apportant la preuve que la lutte contre cette pandémie est complexe et difficile. J’invite donc chacun de vous à s’y impliquer personnellement. Il est essentiel que les mesures qui ont été indiquées soient absolument respectées par chacun de nous. C’est une des conditions de la victoire que nous voulons tous remporter contre ce virus.
J’invite particulièrement tous les responsables politiques, tous les hommes de religion, tous les leaders d’opinion, tous les responsables d’associations, tous les chefs traditionnels et tous les corps constitués à continuer à s’investir pleinement dans ce combat contre le COVID-19. Bien entendu, tout ceci dans le cadre fixé par le Gouvernement et dans le respect des lois et règlements de la République.
Mes chers compatriotes,
Sans plus attendre, je voudrais m’associer à la douleur des familles qui ont perdu leurs proches des suites de cette terrible maladie. J’adresse mes encouragements aux malades encore hospitalisés dans nos formations sanitaires et leur souhaite un prompt rétablissement. Je demande par ailleurs aux personnes testées positives de respecter scrupuleusement les règles de confinement.
Je tiens également à saluer l’extrême courage du corps médical camerounais et de ceux qui l’assistent. Avec les moyens qui sont les nôtres, ils font le maximum pour soigner les personnes infectées. En effet, ils ne baissent pas les bras face à la gravité de l’infection au COVID-19. La Nation, par ma voix, les en félicite et les encourage à persévérer dans cette voie.
Comme vous le savez, depuis l’apparition de cette pandémie dans notre pays, à côté des mesures de protection dont j’ai déjà parlé, un Fonds Spécial de Solidarité Nationale pour la Lutte contre le Coronavirus a été mis en place. J’ai pris des dispositions pour que, dans la limite de nos moyens présents, il soit alimenté, dans un premier temps, à hauteur d’un milliard de francs CFA. En fonction de l’évolution des besoins sur le terrain, des ressources nouvelles pourraient y être apportées.
C’est pour moi le lieu de féliciter les concitoyens qui ont déjà versé des contributions. J’invite ceux qui le peuvent, à en faire autant. La solidarité nationale l’exige.
Dans le combat qui est le nôtre aujourd’hui, le Gouvernement s’emploiera à poursuivre la lutte contre toute instrumentalisation ou exploitation politique, économique ou sociale de cette tragédie.
Mes chers compatriotes,
Je voudrais maintenant appeler votre attention sur les conséquences économiques de cette crise sanitaire.
Nous nous trouvons aujourd’hui en face de nouveaux défis liés à la forte baisse des places boursières, à la chute des cours des matières premières et à un fort ralentissement imprévu de nos échanges commerciaux. La pandémie du Coronavirus a donc un impact négatif sur l’économie mondiale ainsi que sur la nôtre.
Il nous faudra, bien sûr, retrouver plus tard le chemin de la croissance tout en veillant à ce que, pendant cette période d’incertitude et de difficulté, les emplois soient préservés dans la mesure du possible.
J’invite le Gouvernement à continuer à se mobiliser comme il l’a fait depuis le début de cette crise sanitaire. Dans un contexte social inédit, il devra en particulier se montrer ingénieux et inventif pour maintenir nos équilibres financiers, contenir le taux d’inflation, assurer la continuité du service public, notamment dans le secteur éducatif, et réguler l’activité économique de manière à sauvegarder la stabilité et la paix sociales.
Sur le plan sanitaire, malgré la progression des cas détectés positifs au Coronavirus, la situation reste maîtrisable. Nous n’épargnerons donc aucun effort pour limiter la propagation du virus et réduire le taux de mortalité induit par cette pandémie.
La crise sanitaire mondiale due au Coronavirus va sans doute provoquer un tournant dans le fonctionnement de notre société. Elle exige, dès à présent, de poursuivre le renforcement de nos structures sanitaires, de densifier notre offre de soins et, surtout, de remettre à jour certains de nos projets et programmes de développement.
D’autre part, devant l’épreuve, notre système de santé devra se montrer encore plus efficace. Les autres pathologies qui affectent tout autant les Camerounais ne doivent pas être négligées. Il doit en être de même du programme habituel de vaccination. C’est pourquoi des centres spécialisés de prise en charge des malades du COVID-19 ont été aménagés à Yaoundé et à Douala. D’autres sont en voie de l’être dans les chefs-lieux de régions et de départements.
Mes chers compatriotes,
Avant de conclure, j’estime nécessaire de revenir quelques instants sur les mesures de protection mises en œuvre pour enrayer la propagation du coronavirus. La plupart sont déjà appliquées et contribuent certainement à ralentir la diffusion de la pandémie.
Mais, en considération de l’évolution de la situation sanitaire et des effets du COVID-19 sur notre vie économique et sociale, un certain réajustement devenait indispensable. J’ai alors instruit le Premier Ministre, qui s’était déjà exprimé à deux reprises sur ce sujet, de reprendre la parole pour annoncer de nouvelles mesures et en adapter d’autres déjà en application. Ce qu’il a fait le 30 avril avec toute la clarté nécessaire.
Sans revenir sur le détail des 19 mesures édictées à la fin du mois dernier, je voudrais en préciser l’esprit. Il s’agissait essentiellement d’atténuer l’impact de la pandémie sur l’économie nationale et sur la vie des ménages les plus fragiles. En tirant les leçons encourageantes de notre stratégie de riposte contre le COVID-19, il a été possible de prendre des mesures d’assouplissement et de soutien au bénéfice des secteurs économiques concernés et des personnes les plus touchées par la pandémie.
Ces mesures visent notamment :
– à faciliter la vie sociale et les déplacements des individus,
– à suspendre le versement de certains impôts, taxes et cotisations,
– à soutenir les entreprises en difficulté,
– et à relever le niveau des allocations familiales et de certaines pensions.
Il va de soi que ces assouplissements ne nous dispensent pas d’observer les « gestes barrières » visant à limiter la propagation de la pandémie, et en particulier le port du masque dans l’espace public ainsi que l’interdiction des rassemblements.
Je demande donc aux Camerounaises et aux Camerounais de faire confiance aux pouvoirs publics. Le Gouvernement est pleinement conscient de la gravité de la situation et est prêt à prendre toutes les mesures nécessaires. Déjà, je peux affirmer ceci :
– dès qu’un traitement sera disponible, le nécessaire sera fait pour le mettre à la disposition de nos concitoyens ; avant cela,
– le port du masque dans l’espace public restera obligatoire jusqu’à nouvel ordre.
A cet effet, l’industrie locale doit continuer à s’investir dans la fabrication des masques et des gels hydro-alcooliques, dans le strict respect des normes prescrites par le Gouvernement et l’OMS.
Je sais pouvoir compter, une fois de plus, sur votre patriotisme, votre sens des responsabilités et votre courage pour qu’ensemble, nous parvenions à vaincre ce fléau qui touche la planète entière. Dans ce cadre, évitons de stigmatiser ceux qui sont atteints par la maladie. Chacun doit se sentir concerné et apporter sa contribution au combat contre la propagation de ce virus. N’oublions pas que la négligence d’une seule personne peut nuire gravement à l’ensemble de la communauté. Ne baissons donc pas la garde.
Camerounaises, Camerounais,
Mes chers compatriotes,
Vous l’aurez compris, il nous faudra beaucoup d’efforts pour mener la lutte contre le COVID-19 qui peut devenir une menace à la stabilité de nos Etats.
Dans cette période difficile, nous devons rester un peuple uni, solidaire et discipliné.
J’en appelle donc à une sorte d’« union sacrée » de toutes les forces vives de la Nation pour combattre la pandémie du Coronavirus. Je salue à ce propos, une nouvelle fois, l’attitude de la quasi-totalité des dirigeants politiques et des autorités religieuses qui ont accepté de se joindre à ce combat national. J’encourage également tous les efforts visant à mettre au point un traitement endogène du COVID-19. Consacrons toutes nos énergies à la lutte contre cet ennemi commun.
Vive la République !
Vive le Cameroun !
Yaoundé, le 19 mai 2020
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