By J’ai appris cette tristesse, le départ dans le monde de nos ancêtres, de l’un des pères du cinéma malien et africain, le panafricaniste et l’homme de culture Souleymane Cissé. Une grande perte pour le monde de la culture et du cinéma.
Oui il faut le dire, il appartenait à cette crème de cadres maliens, intrépides et patriotes, qui avaient été bien formés politiquement, intellectuellement et idéologiquement par le régime du Président Modibo Keita. D’ailleurs, c’est ce qui explique son côté panafricain et son combat tout au long de sa vie pour promouvoir et défendre la culture africaine, il me l’a dit personnellement.
Comment je suis rentré en contact avec Souleymane Cissé
Après la publication de notre livre sur le père de l’indépendance malienne « Modibo Keïta, la Renaissance Malienne « , une année après et exactement en 2017, un après midi, je reçois un appel de Mariam Traoré, journaliste de la section bambara de la Voie de l’Amérique (VOA). Elle me fait savoir que Souleymane Cissé souhaite rentrer en contact avec moi et qu’elle lui a donné mon numéro de téléphone.
Le lendemain, je reçois un appel WhatsApp du grand cinéaste Souleymane Cissé. Bonjour Issa, c’est tonton Souleymane Cissé. Il m’a fait savoir que cela fait un bon bout de temps qu’il cherche à entrer en contact avec moi. Il m’a dit qu’il m’a vu, sur les plateaux de la VOA Afrique, commenter l’actualité du Mali dans l’émission « Le Monde Aujourd’hui » . C’est ainsi qu’il a demandé mon contact à la journaliste citée ci-haut.
Il me félicite pour la publication de notre livre sur le premier Président du Mali et m’exprime toute son estime sur le père de l’indépendance du Mali.
Une histoire très peu connue du grand public
Bref, il me fait savoir qu’il souhaite éditer un livre sur un moment de sa vie professionnelle, à partir de ce moment j’ai su que ce projet d’édition n’est pas de faire son autobiographie, non loin de là. En effet, ce projet de livre concerne les moments Pré et Post production du film « Den Muso » et également durant tout au long de sa production.
Pour mémoire, le film « Den Muso » est le premier long métrage de l’histoire de la cinématographie malienne.
Outre, c’est à cause de la réalisation et la production du film « Den Muso » que notre regretté tonton Solo s’était vu arrêter manu-militari, les deux mains et les deux pieds enchaînés et jeté à l’arrière d’une Toyota pickup de la gendarmerie, avec toutes les humiliations afférentes.
Il avait été arrêté pas à cause de ce long métrage ou encore à cause de ce film, mais au contraire pour d’autres raisons dont je ne pourrai évoquer ici dans cet article. En tout cas, Souleymane Cissé pense que ceux qui lui ont fait subir cette humiliation ont abusé de leur pouvoir, relation et du système d’alors.
Mon impression sur le Film “Den Muso”
Tonton Solo m’a donné le privilège de regarder le film en question, ci-dessous les quelques lignes que je lui ai envoyées après l’avoir contemplé.
“N’étant pas de cette génération, nous percevons l’audace du film et de son l’auteur dès les toutes premières minutes en osant exhiber la poitrine d’une jeune fille en train de se doucher. Connaissant notre culture et nos traditions, nous pouvons imaginer, en 1975 date à laquelle le film avait été produit, les critiques soulevées, à tort ou à raison, pour cette scène.
Le film met à nu la ténacité de notre culture et l’éducation familiale. Tenin tombe enceinte, elle se voit, d’emblée, rejetée par son père. Outre cela, sa maman aussi en fait plus ou moins les frais car elle est accusée par son mari d’être responsable de la situation de Tenin. Chez nous, même de nos jours, il est courant de voir nos mamans être traitées de la sorte lorsque une de leurs filles tombe enceinte sans être mariée.
Tenin en état de grossesse et muette, donc, incapable de se défendre de vive voix, fait face l’irresponsabilité de Sékou qui récuse la paternité de l’enfant. Plus grave, il calomnie Tenin en la traitant de fille facile, pratique très très courante chez les jeunes garçons, chez nous comme ailleurs.
La mort de son père qui restera sûrement sur sa conscience d’un côté, et de l’autre côté la stigmatisation qu’elle subira de la part de son entourage pour être responsable du décès de son père, outre l’irresponsabilité de son copain pour ne pas avoir reconnu la paternité de l’enfant, plus grave, l’humiliation que Sékou l’infligea en la chassant de sa chambre, de surcroît, devant une autre ses petites copines et enfin la grogne incessante de sa mère, Tenin décida d’en finir avec sa vie à cause de la cruauté de ce monde dans lequel nous vivons. Quel film!
Washington D.C, le 08 Mai 2017
Issa Balla Moussa Sangaré. »
Issa Balla Moussa Sangaré
Le travail initial pour la rédaction du livre avait commencé
Je communiquais beaucoup avec tonton Solo sur WhatsApp, à travers son équipe qui est en France, je reçois des e-mails, les témoignages des acteurs et autres personnes qui faisaient partie de son équipe pour la réalisation du film “Den Muso”.
Novembre 2017, à Paris pour animer une conférence à l’Unesco, tonton Solo demande à son fils Bouba de m’amener quelques documents sur ses réalisations antérieures, ses presses conférences etc.
A travers ces documents, je me plonge dans l’univers de ce grand monsieur. Je découvre son génie créateur, je pèse bien mes mots, il était un génie au sens propre du terme. De passage aux Etats-Unis une année plus tard, je redonne à tonton Solo ces mêmes documents.
Quelque temps après, notre collaboration rentre en hibernation petit à petit et par la suite en standby pour des raisons dont je ne saurais évoquer ici.
Je n’ai pas eu connaissance que le livre ait été publié pour le moment. Si ce n’est le cas, je convie fortement ses héritiers de tout mettre en œuvre pour l’éditer car ce projet lui tenait vraiment à cœur. Il souhaitait vraiment partager cette histoire avec son grand public.
Va en paix tonton Souleymane Cissé
Un génie s’en va
Une grande âme s’en est allée
Un grand défenseur de la culture africaine s’en va
Fidèle et authentique, quelques heures avant de rendre l’âme, il était en train de plaider la cause de l’art et du cinéma africain à la suite d’une conférence de presse à Bamako. Comme on le dit, il est tombé avec les armes dans les mains.
Cher tonton Solo, que vos œuvres puissent inspirer les générations montantes.
Mes condoléances les plus attristées à sa famille, ses proches, à Bouba et Soussaba et tous ses enfants et petits-enfants.
Washington D.C, le 23 Février 2025
Issa Balla Moussa Sangaré
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