Le professeur émérite des universités et président fondateur de AfricAvenir a pris part au colloque international organisé, du 25 au 28 octobre 2022 au Palais des Congrès de Yaoundé par le Centre international de recherche et de documentation sur les traditions et les langues africaines (Cerdotola) sur le thème « Assises pour une novelle pensée africaine ». Ci-dessous, l’intégralité de sa déclaration.
L’Afrique est en guerre depuis 7 siècles. Les périodes d’accalmies apparentes ne doivent pas tromper, et les indépendances formelles acquises depuis les années soixante n’ont pas réussi à faire cesser ces guerres permanentes qui ont pris des facettes multiformes, déguisées, cachées. Et quand les obus ont cessé de faucher les populations dans un espace africain pendant un moment, le citoyen vit dans l’illusion que la guerre contre ces Africains aurait cessé, que la paix serait revenue.
Je ne parlerai pas ici des guerres depuis la période de l’Egypte antique qui ont fait reculer les maîtres de la civilisation pharaonique vers le sud du Sahara pour installer de manière durable et définitive de nouveaux royaumes arabes. Je vais me concentrer sur la guerre globale qui ravage encore le continent en ce 21è siècle.
- Des guerres esclavagistes aux guerres coloniales
Les guerres de l’esclavage transsaharien et transatlantique ont vidé le continent d’une partie majeure de sa population pour enrichir le Moyen Orient, les pays arabes, l’Europe et les Amériques contrôlées par les immigrés européens. Le commerce de l’or et des esclaves noirs entre le Soudan occidental, le Maghreb et le Moyen Orient qui a commencé en l’an 776/780 a pris son essor jusqu’au XIè siècle, et on peut constater au vu de différents reportages, qu’il n’a jamais pris vraiment fin. L’esclavage transatlantique prendra le relais au XVè siècle et pendant 400 ans, des guerres dévastatrices calcineront les royaumes africains incapables de se défendre avec succès. Or ces populations africaines déportées continueront à vivre dans des situations de guerre et de violences extrêmes sur les territoires lointains gérés par leurs nouveaux maîtres. Pour eux, la guerre multiforme n’aura pas cessé, et le racisme ne sera qu’un aspect de cette guerre permanente contre les Africains.
Il est primordial de noter que ces esclavages et les guerres s’y référant reposaient sur la pensée, celle de la dépréciation du Noir disqualifié pour appartenir à la race humaine, sur la pensée de la domination et de l’exploitation sans merci du vaincu par le mieux armé et aussi sur la pensée de l’accumulation financière et de biens matériels sans limite. La pensée et l’intégration de cette pensée gère non seulement l’individu, mais aussi la société et sa relation avec les autres peuples. Les penseurs comme Hegel, De Gobineau, Victor Hugo, etc ont accompagné de manière durable les politiques de l’impérialisme et influencé les acteurs politiques européens, américains et autres, à l’instar d’un Sarkozy jusque dans la période contemporaine. Faire la guerre aux Africains pour s’emparer des richesses du continent serait comme une prescription divine.
Ecoutons l’écrivain français Victor Hugo dont nos enfants africains mémorisent encore les textes en ce 21è siècle. Il s’exclamait à Paris le 18 mai 1879 à l’occasion du 31è anniversaire de l’abolition de l’esclavage qu’il présidait :
« Au 19è siècle, le Blanc a fait du Noir un homme, au 20è siècle, l’Europe fera de l’Afrique un monde… en avant ! Emparez-vous de la terre, prenez-la pour vous. Mais d’entre les mains de qui ? De personne. Prenez ce sol d’entre les mains de Dieu. Dieu donne la terre aux hommes. Dieu donne l’Afrique à l’Europe. Prenez-la ! »
Le professeur allemand F. Zumpt affirmera plus tard en 1938 :
« L’histoire nous a appris que les indigènes africains ne sont pas en mesure d’exploiter les immenses richesses économiques dont le monde a besoin de toute urgence »
Par conséquent, déclarera le responsable du bureau de la politique raciale du parti nazi de Hitler, le Dr. Günther Hecht, au début de la deuxième Guerre mondiale en 1939 :
« Il est clair que l’Européen, grâce à ses impressionnantes prouesses personnelles et techniques comparée à celle des autres races, s’arroge sur la base de cette supériorité le droit naturel de faire, grâce à ses dons intellectuels, des autres peuples ce qu’il peut. Il s’agit là d’une loi de la nature. Les peuples supérieurs ont, du fait du facteur héréditaire, le droit originel d’être des peuples supérieurs »
Nous le voyons bien, la pensée européenne a élaboré la conception de l’Africain et de l’Afrique, elle a dirigé l’action de l’homme politique européen, les stratèges et soldats n’ont fait que mettre sur pied des campagnes guerrières dévastatrices pour s’emparer du continent africain et le maîtriser sans relâche, convaincus de cette pensée de domination légitimée par le divin. Cela dure déjà depuis 7 siècles.
Pour ne pas éparpiller leurs forces guerrières, les Européens vont s’entendre à la Conférence de Berlin de 1884/1885 pour unir leur puissance de feu et la diriger de manière concentrée sur les royaumes africains. Après les campagnes guerrières de l’esclavage, l’Afrique plia encore une fois sous le joug du colonialisme direct, sur son propre sol.
Mais l’Europe ne déploya pas des armées entières sur le sol africain pour conquérir l’Afrique. Ils enrôlèrent des Africains comme soldats dans les armées de conquêtes coloniales, armées dirigées par des capitaines et colonels européens. Le Cameroun fut conquis par des armées allemandes composées de 11 commandants allemands et 255 soldats camerounais et africains en 1897 et par 205 militaires et commandants allemands dirigeant 1650 Camerounais et Africains en 1914.
Donc au 19è siècle, l’Europe s’empara de l’Afrique grâce aux soldats africains sous le solde de commandants européens imprégnés de la justification divine de la conquête de l’Afrique. Quelle pensée motivait ces Africains d’aller détruire des royaumes africains au profit de conquérants étrangers ? Au 19è siècle, l’Afrique a manqué de connaissances approfondies de l’état du monde, de la stratégie concertée des puissances européennes sur l’Afrique, elle a manqué de coordination interne pour se défendre de l’agresseur, son armement n’a pas fait le poids devant les armes modernes du conquérant européen. C’est ainsi que l’Afrique a été militairement vaincue, même si les résistances n’ont cessé de remettre en cause l’occupation étrangère pendant toute la période coloniale.
- La guerre intellectuelle, religieuse et culturelle au profit d’une mémoire effacée des Africains
La victoire militaire acquise, la stratégie de la conquête mentale et spirituelle de l’Africain fut immédiatement mise en œuvre. La guerre intellectuelle, religieuse et culturelle encadrée par les armes à feu fut alors déployée sur le continent vaincu. La guerre devint alors globale, et la conquête du mental et de l’âme de l’Africain fut traitée comme une priorité. La première des armes fut l’interdiction ou la marginalisation de la langue du colonisé africain sur son propre territoire, un territoire dont il n’est plus le maître. Or la langue est le socle de la pensée, mais aussi le communicateur de la pensée qui s’exprime pour dire une vision du monde, une conception de l’univers. La langue articule les mots qui formatent le mental, dessinent les contours du spirituel, elle dit les mots qui instruisent par l’éducation, qui structurent le social, le politique, l’économique, le culturel, la langue structure le niveau de relation entre les hommes. C’est pour cela que l’imposition d’une nouvelle langue au colonisé devait accompagner la conquête militaire du colonisateur.
Röhm, chef de circonscription royale à Douala enverra une correspondance le 26 août 1909 à toutes les autorités autochtones camerounaises en ces termes :
« Ces derniers temps, il s’est avéré que des correspondances sont adressée à la circonscription administrative en langue duala et en anglais.
J’interdis toute correspondance envoyée en une autre langue que l’allemand. Je réitère qu’à partir de maintenant, toute correspondance envoyée en une autre langue ou en un mauvais allemand ne sera pas traitée. »
Les patriarches bamoun, parlant de la scolarisation par l’Allemagne, firent des témoignages de leur traumatisme : « La bastonnade allait nous tuer à l’école ! »
Papa Lambe Robinson de Buéa, âgé de plus de cent ans pendant l’interview en juin 1983 nous donna des détails : le missionnaire installait l’école après la conquête militaire. Il demandait au roi ou chef de fournir des élèves, ce qui était exécuté. Mais quand un enfant manquait à l’appel, le missionnaire allait chercher les militaires noirs. Ils se dirigeaient alors chez les parents. Les militaires faisaient sortir le père de l’élève de la maison, mettaient ses fesses à nu, le pliaient sur un grand fut et lui administraient 25 coups de fouet sur les fesses nues, devant son enfant qui avait manqué l’école et devant un grand public spectateur. Alors, dès qu’on parlait d’école, les enfants fuyaient dans la brousse pour se cacher. Et les témoignages sont pratiquement les mêmes dans toutes les régions du Cameroun.
A l’école, on apprenait la grandeur de l’Allemagne, la puissance du roi allemand, la beauté des paysages, la modernité du pays, etc. L’élève apprenait son infériorité et la justification d’être au service du blanc, du colonisateur. Voilà donc comment l’école occidentale est entrée chez nous et accompagnait comme une arme de guerre silencieuse le système de la domination coloniale.
L’autre arme de guerre silencieuse fut la religion. Les conquêtes des guerres arabes avaient déjà utilisé la religion musulmane comme outil de domination et d’asservissement. Les armées coloniales européennes accompagnèrent les campagnes de destruction des objets spirituels et religieux des Africains, pour imposer la nouvelle religion du colonisateur, le christianisme à l’occidental.
Le missionnaire suisse Keller, qui pour le compte de l’Allemagne de Bismarck devait évangéliser les Camerounais, rapporte :
« Comme une compagnie de cavalerie en pleine invasion, nous nous sommes abattus sur les objets païens de Souza, malgré la tempête de pluie et nous les avons faits prisonniers » Keller ne compte rien que pour de l’espace de Souza 24 objets rituels à ressemblance humaine, 3 masques de buffles, 1 masque d’éléphant, 1 masque de léopard, 2 costumes en raphia de la corporation Ekongolo, 1 costume Tambimbe, plusieurs tam-tams, des bâtons »
L’envoyé de la Mission de Bâle (Basel, comme les Camerounais surtout du Littoral appellent encore l’église protestante) décrit sa mission de destruction de tout symbole spirituel africain avec enthousiasme quand il écrit :
« Alors une compétition et course se déclenchèrent. Nous devons faire vite, pour qu’ils ne puissent pas cacher leurs masques et autres objets similaires. Aidés par les habitants (convertis au christianisme) de la ville, ils cassèrent ça et là des portes-arrières des maisons pour en extraire des chapeaux faits de plumes, des costumes en raphia, des figures païennes aux horribles visages humains, des tamtams, des masques de buffles, d’éléphants et de léopards entre autres bizarreries horribles »
Protégé par l’armée et l’administration allemande, Jacob Keller, lui qui se compare à un commandant de cavalerie en pleine invasion, s’exclame au vu du butin : « Eh bien, je suis un grand homme et j’ai la puissance adéquate, c’est ainsi que je déclare pour aboli tous les Losango. » Ce fut en 1897. Un autre missionnaire, E. Dinkelacker, relate :
« On collecta tous les objets des Losango et les noyèrent à la mer. C’est ainsi que fut éliminé une fois pour toutes le service visible des Djengu et Mungi. C’était une victoire de l’Evangile qui a été annoncé à Bonabéri » Ce fut le 22 octobre 1897.
Une grande partie des objets au « Museum der Kulturen » à Bâle en Suisse, en provenance du Cameroun, appartenait aux corporations rituelles, y compris les corporations féminines.
Armée, police, missionnaires, ethnologues, enseignants et administration agissaient de concert et en complicité pour éradiquer tout signe et symbole spirituel africain. Michel Leiris rapporte pour le Tchad :
« Griaule prend deux flûtes et les glisse dans ses bottes…Au village suivant, je repère une case de Kono à porte en ruine, je la montre à Griaule, et le tout est décidé. (…) Griaule décrète alors, et fait dire au chef du village par Mamadou Val que, puisqu’on se moque décidément de nous, il faut en représailles nous livrer le Kono en échange de 10 francs, sous peine que la police soi-disant cachée dans le camion prenne le chef et les notables du village pour les conduire à San où ils s’expliqueront devant l’administration (coloniale) .»
Ce fut le 6 septembre 1931 à Kémini, au Tchad, devant l’autel du Kono. La Mission Dakar-Djibouti ramena un butin de 3.000 objets vivants de culte, de puissance et d’art qui furent emprisonnés au Musée d’ethnographie du Trocadéro à Paris.
La mission de la guerre globale multiforme contre les Africains s’articulait de manière programmée et claire à tous les acteurs de la métropole : Effacer tout repère de la langue, de l’écriture, de la production intellectuelle, de la science, du système juridique, de la structuration économique, tout repère de la spiritualité, de la religion, éradiquer tout repère de la culture du colonisé africain. Il fallait produire une espèce de zombie à la mémoire effacée, un naufragé reconnaissant d’être sauvé de justesse par les bienfaits du colonisateur-sauveur envoyé par Dieu.
La pensée européenne élabora la notion de mission civilisatrice, de colonialisme, d’aide au développement, d’ajustement structurel, etc., avec un dénominateur commun : contraindre les Africains par la force des armes, le formatage du mental, la soumission religieuse ou ésotérique, à accepter la dépossession des richesses du continent africain au profit du conglomérat Europe-Etats Unis d’Amérique.
- L’émergence de la pensée de résistance africaine
Or la pensée de résistance africaine est née avec la toute première occupation violente d’un territoire africain par le colonisateur. Au Cameroun par exemple, la pensée de la résistance a émergé lors de la signature du Traité du 12 juillet 1884 par les rois du « Cameroons ».
Eduard Schmidt, chargé de la négociation pour la société Woermann, rapporte :
« Je suis resté jusqu’à 3 heures du matin chez King Bell, mais je regrette ne pas avoir atteint mon but, car King Bell avait une telle peur du refus et des menaces des siens et des Aqua qu’il déclara ne rien pouvoir faire sans le consentement de ses sujets »
Il écrivit par ailleurs à son employeur:
« Après notre entretien d’hier soir avec King Aqua, King Bell et Green Joss sur ces points (du traité), les Nègres d’Aqua et une foule de jeunes se dirigèrent vers la plage en criant et en vociférant les pires des menaces à l’endroit de King Bell et King Aqua, les accusant de vendre le territoire aux Allemands et de vouloir faire de la population des esclaves. Même ma plume hésite à écrire le genre d’insultes que nous étions obligés d’entendre… Malheureusement, ces processions d’insultes ne font que se répéter. »
Le Consul allemand Max Buchner lui-même écrira en juillet 1885:
« Notre acquisition (du Cameroun) a engendré tellement de désagréments pour tous les rois et chefs camerounais qu’ils aimeraient, s’ils le pouvaient, annuler ces traités.»
Lock Priso Bell, Kum’a Mbape Bell, ce roi de Hickorytown/Bonabéri qui refusa de signer ce traité adressera le 28 août 1884 une correspondance sans ambiguïté au Consul allemand Max Buchner :
« Je vous prie de descendre ce drapeau. Personne ne nous a achetés, vous vouliez nous corrompre par beaucoup d’argent, nous avons refusé. Je vous prie de nous laisser notre liberté et de ne pas apporter du désordre chez nous »
Cette pensée de résistance va perdurer pendant toute la colonisation pour aboutir après la Deuxième Guerre mondiale aux luttes de libération qui mèneront à l’indépendance formelle des pays africains.
Il faut noter ici que cette pensée de résistance était articulée surtout dans les langues nationales africaines, avant de se voir exprimer petit à petit dans les langues coloniales que sont le français, l’anglais, l’espagnol ou le portugais. Depuis le triomphe colonial, la pensée articulée par l’écrasante majorité de la population dans les langues nationales, étant marginalisée par la politique, la langue et les supports médiatiques du colonisateur, perdait en visibilité. Et pourtant, elle ne cessa jamais d’être articulée. Nous retrouverons cette expression de la pensée bien vivante dans les 33 volumes de la série « Quand les anciens parlent » issue des interviews de 176 très vieux Camerounais ayant été témoins de la première période coloniale de 1884 à 1935. Or au fil du temps colonial, la pensée africaine se voyait de plus en plus définie comme la pensée de la petite minorité qui pouvait s’exprimer dans la langue coloniale et avec quelque chance, être éditée en métropole coloniale. Depuis lors, il n’y avait de pensée africaine que celle exprimée dans la langue du colonisateur, pendant que l’écrasante majorité de la population continuait à penser et à parler dans les langues africaines. Le colonisateur à travers diverses institutions, sélectionnera les travaux de pensée africaine d’expression européenne qui ne remettent pas fondamentalement en cause la pensée européenne de domination et d’exploitation de l’Afrique et dotera ces écrits de prix prestigieux. Il en fera la promotion comme exemple à suivre sur le continent et dans la diaspora africaine à l’étranger. Les chefs d’Etats africains doivent aussi impérativement suivre la ligne de cette pensée européenne dans la nouvelle constellation des indépendances formelles. Si ils ne le font pas et tentent de chercher une nouvelle pensée africaine de libération totale, ils seront destitués ou assassinés et remplacés par des agents plus dociles, malléables et compromettants. De 1963 à 2011, jusqu’à 22 chefs d’Etats africains ont été assassinés dans ce contexte.
- Le changement de paradigme pour la production et la pérennisation d’une nouvelle pensée africaine
Comment donc arriver à une nouvelle pensée africaine, rompant définitivement avec la pensée occidentale sur l’Afrique et l’Africain, une nouvelle pensée qui imprègne les acteurs, les institutions et les actions à poser ?
Le changement de paradigme concerne la langue, support de la nouvelle pensée, les infrastructures qui permettent à cette pensée de s’exprimer et d’être partagée, il concerne l’enracinement de cette pensée dans le mental des politiques, des juristes, des décideurs économiques, des enseignants, des inventeurs et innovateurs, des encadreurs spirituels et religieux. Les langues européennes deviendront alors exotiques sur un continent en pleine renaissance africaine.
Que ceux qui prennent régulièrement les transports aériens et sont habitués à écouter les messages dans les langues européennes prennent un jour Ethiopian Airlines. Ils découvriront comment une langue africaine est utilisée de manière naturelle par une grande compagnie aérienne pour accompagner toutes les séquences du vol, et ce n’est que par la suite que les traductions dans d’autres langues s’opèrent. Le paradigme de la langue africaine comme support de pensée et de communication est déjà opérationnel. Nous savons tous que les meilleurs morceaux de musique africaine sont ceux chantés dans les langues africaines, et non ceux interprétés dans les langues occidentales.
Ce changement de paradigme pour la production et la pérennisation d’une nouvelle pensée africaine se verra confrontée à des résistances violentes voir guerrières des promoteurs de la pensée occidentale sur l’Afrique et les Africains. Il faudra donc s’attendre à des confrontations sans merci entre ceux qui ont toujours considéré le continent africain comme leur chasse gardée et les citoyens africains décidés à utiliser les richesses de leur terroir pour le bien de leurs pays. Il faudra s’attendre à ce que les plus farouches opposants à cette renaissance de la pensée et à ses supports seront les Africains bien ancrés dans la pensée occidentale sur l’Afrique et les Africains, habités à évoluer sur le sol africain avec les langues et pensées agrées par l’occident sur le sol africain. Ils argueront que l’on voudrait faire reculer l’Afrique au moyen âge de la pensée. Ils soupçonneront que l’occident est en déclin, mais ils savent que l’Afrique avec sa population de bientôt plus de deux milliards d’âmes surtout jeunes, est en phase de faire un grand bond sur la scène mondiale.
La Nouvelle Pensée Africaine doit se reconnecter avec l’héritage scientifique africain assimilé depuis des millénaires, discriminé par la pensée occidentale sur l’Afrique et les Africains, un héritage réduit dans l’oubli grâce à un effacement de la mémoire des Africains. Qu’il s’agisse des mathématiques, de la physique, de l’astronomie, de la médecine, de l’architecture, de la philosophie, de la théologie, des belles lettres, etc.., l’Afrique a donné au monde les bases essentielles de la science, et les hommes de sciences africains ont le devoir de se reconnecter avec ces résultats scientifiques et de les mettre à la disposition de l’humanité entière.
Pour soutenir cette nouvelle pensée en pleine renaissance africaine et soutenue par nos langues, des supports primordiaux devront voir le jour. Les industries culturelles devront connaître une véritable révolution dans l’imprimerie, les supports du digital, l’audio-visuel, le cinéma, la diffusion, la communication par les NTIC, le GMSS. Les supports comme Facebook, Instagram, WhatsApp, Telegram, Twitter, devront connaître une endogénéisation pour éviter que cette nouvelle pensée de renaissance africaine ne soit censurée lorsqu’elle prendra des proportions inquiétantes pour l’ancien dominateur. Cette révolution des industries culturelles ne pourra cependant s’épanouir que si une véritable révolution scientifique et technologique dans tous les domaines est assurée par les Africains du continent et les Africains de cette diaspora solidaire à l’Afrique. Les inventeurs et innovateurs devront bénéficier d’un encadrement spécial, aussi bien par les Etats que par les structures privées. Cette révolution permet des sauts, par exemple de lancer des satellites sans au préalable avoir la possibilité de fabriquer des avions, comme le fait déjà le Maroc, l’Egypte, l’Algérie, la Tunisie, le Soudan, le Kenya, le Rwanda, l’Angola, l’Ethiopie, l’Ile Maurice, le Ghana, le Nigeria, l’Afrique du Sud, et bientôt le Burkina Faso. 44 appareils africains sont déjà lancés, et une vingtaine d’autres étaient en 2021 sur le point d’être mis en orbite.
Mais pour y arriver vraiment, il est évident que la souveraineté monétaire et politique des pays africains doit être acquise et garantie, et la zone de libre-échange continentale devra booster les entreprises africaines au lieu de devenir un eldorado des firmes étrangères qui auront gagné un marché de rêve sur le continent africain. Et là, les forces armées et de police africaines devront réinventer la sécurité sur le continent, sortir des micro-Etats qui parfois se battent les uns contre les autres, souvent même pour le compte de puissances étrangères. L’Afrique a été vaincue militairement pendant 7 siècles, au 21è siècle, elle doit impérativement développer une force de frappe qui fait reculer les nouveaux envahisseurs. Le Nouvelle Pensée Africaine a besoin de la sécurité des Nouvelles forces armées et de police continentales africaines.
Que les artisans de la nouvelle pensée africaine saisissent le sens de la trajectoire historique du continent africain. Que cette Nouvelle pensée nous réconcilie avec nous-mêmes, qu’elle nous projette dans cette nouvelle Afrique devenue maître de soi. Qu’elle donne les meilleures chances à nos enfants et les accompagne dans un futur sécurisé et rayonnant.
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