Experte en santé publique, la jeune camerounaise de 25 ans est la présidente fondatrice de l’association Cherrel, créée en 2022. Une organisation à but non lucratif qui œuvre pour le développement des conditions de vie des personnes vulnérables au Cameroun et dans les pays sous-développés. Dans cette interview exclusive accordée à La Plume de l’Aigle, Klove Diana Kamdem Wokam, par ailleurs blogueuse et fact-chekeuse, nous parle des objectifs, missions, activités et domaines d’intervention de son association. Elle dresse également le bilan de ses réalisations en trois ans d’existence.
Quels sont les objectifs, la vision et les missions de votre association ?
Les objectifs de l’association Cherrel sont de mettre en place des réponses adaptées aux besoins des couches vulnérables ; promouvoir l’insertion socio-économique des jeunes à travers des activités génératrices de revenus ; organiser des campagnes de soins, de sensibilisation, d’information et de soutien. A ceux-ci s’ajoutent également la lutte contre les violences basées sur le genre (VBG) ; la promotion du leadership et de l’entrepreneuriat jeune ; la promotion des droits de l’Homme et le renforcement des capacités des populations en mettant sur pied des formations et séminaires sur l’éducation, l’information et les emplois dans les domaines de la santé, l’emploi vert et autres sujets…
Pour ce qui est de sa vision, l’association a été créée pour contribuer à l’amélioration du niveau de vie des communautés en leur fournissant les ressources nécessaires, en protégeant leurs familles et en favorisant le développement de leurs pays. Elle s’est donnée pour mission de promouvoir la sensibilisation, les soins, l’éducation, la formation et le développement du secteur de la santé, tout en apportant un soutien aux personnes vulnérables et défavorisées afin d’améliorer leur insertion socio-professionnelle.
Vous nous avez confié que le projet de création de cette association, vous l’aviez en tête depuis 2015 alors que vous n’étiez encore qu’en classe de terminale. Vous le mettez en œuvre 7 ans plus tard (2022). D’où est venue l’idée et pourquoi avoir attendu tout ce temps avant de vous lancer dans cette aventure ?
L’idée de ce projet naît d’une visite dans un orphelinat. Visite pendant laquelle le besoin de venir en aide aux personnes devient la volonté première de ma vie. Cela m’a poussé à m’interroger sur le processus et m’a amené à effectuer des recherches sur les organisations non gouvernementales. Après une longue conversation avec un aîné sur mes projets de vie et les différentes étapes pour y parvenir, je me suis promis ce jour-là de créer une ONG. Après avoir raté l’examen de médecine générale, je me retrouve orientée vers la santé publique. Dès la première année, j’ai compris que cette filière était le début de la réalisation de mon projet. Après 06 ans de formation et des années dans le monde professionnel, j’ai pu acquérir de l’expérience et les ressources intellectuelles nécessaires pour débuter ledit projet. Donc ces 07 années m’ont permis de me former et d’apprendre pour mieux définir les orientations de ce projet de vie.
Le nom « Cherrel » que porte votre association, à quoi renvoie-t-il et quelles sont vos activités ?
« Cherrel » renvoie à tout ce qui nous est cher, à l’amour que la cofondatrice de l’association et moi avons pour nos papas. Ce nom a été donné en hommage à nos papas. En ce qui concerne nos activités, elles s’alignent à ce jour autour des ateliers de sensibilisation et d’éducation à la santé dans les établissements scolaires, les orphelinats et les communautés ; des ateliers de formation en leadership et entrepreneuriat ; des formations pratiques en métiers ouverts et à rémunération facile ; des activités de distribution de dons alimentaires et consultations sanitaires.
Depuis sa création en 2022 jusqu’à nos jours, l’association a certainement connu de grands changements. Pouvez-vous nous éclairer sur les différentes mutations qu’elle a connues ?
Nous avons commencé avec 07 personnes en mi-2022 et nous nous sommes très vite retrouvés avec 35 personnes bénévoles en mi-2023. Pour moi le soutien et la mobilisation de cette équipe reste la force de ce processus d’avancement. Je remercie toute mon équipe, mes collaborateurs, pour l’accompagnement et le soutien inconditionnel pour ce projet qui aujourd’hui ne leur rapporte rien mais dont le dévouement et la motivation pour sa construction n’ont point failli. 2022 a été une année administrative, où nous avons pu nous faire enregistrer auprès des autorités camerounaises compétentes et ainsi planifier les activités de terrain pour l’année 2023. Le lancement opérationnel s’est fait dès février 2023 où nous avons mené des sensibilisations et consultations sanitaires au sein de quelques lycées et collèges de la ville de Yaoundé. L’année s’est poursuivie avec une activité en août au sein de l’orphelinat Sainte Thérèse de Yaoundé et la clôture des activités a été faite dans la ville de Maroua à travers la formation des ambassadrices de la santé de reproduction-hygiène menstruelle. Après 03 activités menées en 2023 et 01 partenaire de mise en œuvre, nous nous sommes retrouvés en 2024 avec 12 activités menées et 03 nouveaux partenaires.
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Des écoliers visitant le stand de Cherrel lors d’une exposition à Yaoundé
Vous êtes titulaire d’un baccalauréat D et d’un master en santé publique obtenu à l’institut Supérieur de Technologie Médicale de Yaoundé. C’est certainement la raison pour laquelle la santé occupe une place de choix dans les domaines d’interventions de votre association. Mais à côté d’elle, on note également les volets éducation et formation professionnelle. Sur quoi reposent ces deux derniers domaines ?
Ils reposent sur la nécessité de permettre aux jeunes de se prendre en charge. En fait, la création de cette association naît du fait qu’en 2015, la précarité vécue par certaines personnes me pousse à m’interroger. Je me suis demandée est-ce qu’en apportant des soins de santé et des repas à ces derniers, le problème serait résolu ? A la fin de cette interrogation, j’ai très vite compris que pour soutenir une personne, il ne suffit pas de lui donner le moyen de survivre à l’instant présent mais plutôt de fournir des moyens à long terme pour qu’elle puisse prendre soin d’elle et être indépendante. D’où l’importance du volet éducation et formation professionnelle en vue de l’autonomisation et du développement de ces personnes défavorisées. Cette motivation première a été entretenue avec ma formation et l’expérience que j’ai pu acquérir sur le terrain.
En trois ans d’existence, quel est le bilan des réalisations de votre association au Cameroun et dans les pays sous-développés dans lesquels elle œuvre ?
Actuellement, nous travaillons uniquement au Cameroun. Nous comptons 19 activités réalisées au cours de ces 03 dernières années. Nous avons mené 04 activités de sensibilisation et d’éducation dans les établissements scolaires des régions du Centre, de l’Adamaoua et de l’Extrême-Nord qui ont permis de toucher plus de 9 000 élèves. 03 activités de consultations sanitaires permettant de toucher 261 enfants ; 02 ateliers de formation en leadership et entreprenariat à l’attention de 100 jeunes et femmes ; 04 ateliers pratiques de formation en métiers d’artisanat et cosmétique locaux qui ont permis de toucher plus de 200 jeunes filles et femmes. 02 ateliers de formation en engagement à la citoyenneté à l’attention de 80 jeunes ; 03 activités de distribution de dons alimentaires et de fournitures scolaires auprès des orphelinats et 01 atelier de formation de 150 ambassadrices de l’hygiène menstruelle.
Nous sommes au début d’une nouvelle année, quelle est votre feuille de route pour 2025 ?
L’année 2025 à nos yeux est celle de l’innovation et du développement à grande échelle. Nous ambitionnons de mettre à disposition des jeunes de nombreuses opportunités de formation et d’éducation qui leur permettront de s’autogérer, d’améliorer leurs conditions de vie et celles de leurs proches.
On assiste de plus en plus à la création d’associations ou d’organismes à but non lucratif dans notre pays. Pouvez-vous nous expliquer comment ça fonctionne réellement et comment se fait la rémunération ?
Tout dépend des objectifs de l’organisation, de ses missions, du domaine d’activité dans lequel elle intervient, de ses cibles et des problèmes qu’elle souhaite résoudre. Ainsi, le bureau exécutif est organisé de façon spécifique et structuré afin de mener des activités concrètes. Après la légalisation au niveau de la préfecture du département où elle est créée, une association doit intervenir dans sa circonscription et fournir ses rapports annuels au niveau du Minat.
La rémunération ou financement d’une association se fait de plusieurs manières. Nous pouvons citer les cotisations mensuelles ou annuelles des membres, les dons, les subventions du gouvernement et les financements provenant d’autres organisations, généralement dans le cadre de projet.
Au sein de mon association par exemple, on fonctionne actuellement avec les cotisations de membres, les dons et mes fonds propres. Pour gérer les gens qui travaillent avec nous, ce qu’on fait généralement c’est payer le transport lorsque nous allons sur le terrain. Lorsque nous sommes au bureau, on ne gère personne et c’est beaucoup plus du volontariat.
Interview réalisée par Fadira Etonde
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