Après le succès de ses premières prestations funambules organisées à Douala et Yaoundé, en novembre dernier, la promotrice de la compagnie « Les Filles du Renard Pâle », Johanne Humblet, organise avec l’Institut français du Cameroun antenne de Douala, un nouveau spectacle intitulé « Respire ». Il aura lieu ce mardi 21 mai 2024, à partir de 19h, au lieu-dit « Ancien secrétariat » de Bali. Les détails de ce projet dans cette interview.
Le funambulisme est un art du cirque qui consiste à marcher, danser ou faire des acrobaties sur du fil ou sur une corde tendue. Pour le pratiquer, il faut une certaine habileté, de l’équilibre, etc… Qu’est-ce qui vous passionne vraiment dans ce métier ?
C’est physique avant tout. L’équilibre, ça vient avec le temps, avec la pratique. J’ai commencé à faire du fil, à l’âge de 8 ans. Moi, ce que j’aime dans le fil, c’est déjà la persévérance. En fait, c’est toutes les valeurs que le fil demande, et une philosophie de vie aussi. Pour moi, faire du fil c’est vraiment synonyme de liberté. Parce que quand tu commences à marcher sur un chemin qui est très étroit et que tu commences à le maîtriser, tu rattrapes tes déséquilibres et il y a une espèce de sentiment de liberté de mouvements et de joie que ça procure qui est énorme. Et une fois qu’on commence à marcher sur du fil, il y a plein de choses qu’on peut faire, c’est comme s’il y a plein de portes qui s’ouvraient et moi ce que j’adore dans la vie c’est prendre des risques. Mais des risques qui sont calculés. Je ne me mets jamais en danger, je suis très prudente, en fait, c’est vraiment mon métier, ça s’apprend et on y va petit à petit, pas par pas, vers des choses qu’on maîtrise de plus en plus. Lorsque je suis sur mon fil, là-haut, je m’amuse, et je prends vraiment du plaisir. C’est un jeu et je joue avec les émotions des gens. Parce que, pour ceux qui ne connaissent pas et qui ne pratiquent pas, ça leur fait peur. Mais, à moi non, car, je maîtrise tellement le fil que, c’est que du jeu. C’est vrai que des fois, on a de petites appréhensions qui arrivent là-haut. Mais, il faut être capable de maîtriser son cerveau pour dire non, non, je sais ce que je fais, je sais où je vais. Et puis après, si à un moment on se sent mal, il y a tout un protocole de sécurité qui fait que je m’assois sur un fil, je me pose, ou alors on m’évacue. Donc, il n’y a rien qui est dangereux, c’est juste beaucoup de pratique, beaucoup de travail, et c’est un métier.
En prélude à la grande traversée funambule qui se tiendra ce soir à Bali ici à Douala, vous avez organisé depuis le samedi 18 mai, des séances d’initiation des jeunes camerounais à la pratique de ce sport. Pourquoi avoir décidé de ramener le fil au Cameroun ?
Il y a Abdoulaye de l’Institut Français, qui a vu l’une de mes performances en France et il m’a proposé de venir ici au Cameroun. Donc, je suis venue au mois de novembre de l’année dernière, pour faire une grande traversée à Yaoundé et un format sur un fil de 3,50 m ici à Douala, au stade Cicam. La rencontre avec toutes les équipes et avec le public, s’est bien passée. Je me suis rendue compte en venant ici la première fois pour mon spectacle, que les gens m’appelaient la sorcière sur les fils et les lis. Et je me suis demandé pourquoi est-ce qu’on m’appelle ainsi ? J’ai donc compris qu’en fait, les gens me traitent de sorcière parce qu’ils ne connaissent pas et quand on ne connaît pas, on préfère dire que c’est de la sorcellerie. Du coup moi ça me fait sourire et je me suis dit que s’ils pensent cela, c’est parce qu’ils ne savent pas le faire. Et je me suis dit, il faut que je montre aux gens que le métier du fil, ce n’est pas de la sorcellerie, tout le monde peut le faire. Je me suis dit qu’il fallait transmettre. C’est pourquoi j’ai proposé à l’Institut Français qui a accepté directement de faire un projet pour apprendre le métier à d’autres personnes et pour que ces Camerounais apprennent à d’autres Camerounais. La base de ce projet est partie de ça. Vous croyez que c’est de la sorcellerie, ô que non, c’est juste du travail. On a ramené le matériel pour la pratique du fil, qu’on va laisser ici et on se dit que ce sera peut-être le début d’une nouvelle pratique artistique. L’idée c’est que ça se perpétue et que ça soit un projet à long terme. Que les graines qu’on est en train de semer puissent produire de grands arbres et qu’on ait des artistes ici, qui font du fil. Et moi je rêverais de revenir ici pour monter un grand spectacle, avec tout le monde. J’ai déjà des idées (rire).
Le spectacle qui sera présenté ce mardi 21 mai, au lieu-dit « Ancien secrétariat » de Bali, à Douala, est intitulé « Respire ». C’est quoi le message caché derrière ce titre et que réserve Johanne Humblet au public pour cette grande traversée funambule ?
« Respire » fait partie d’un triptyque. Il y a trois spectacles : le premier s’appelle « résiste ». C’est un fil qui tombe, qui s’incline, qui bouge. L’idée de résistance sur le fil, c’est de dire : quoi qu’il arrive, je tiens. C’est le premier message. « Respire », quant à lui, c’est une respiration. Pour ce spectacle, le fil, il est très haut. Là-bas, à la rue de la joie à Bali, le fil est à 25 m de hauteur. Et pour moi, comme je le disais, la hauteur, le travail sur fil c’est la liberté et c’est vraiment une respiration. Et la traversée, c’est de petit à petit assumer qui on est, d’enlever les choses qui nous pèsent, de retirer les personnes qui veulent nous ramener en arrière, et de voir vers l’avant, de continuer vers ce chemin et de dire je respire vers qui je suis, ce que je suis vraiment, pour me libérer de tout ce qui me tire vers l’arrière. Et pour moi, c’est comme ça que je vois une grande traversée funambule. Et puis, on a sorti le troisième spectacle intitulé « Révolte » ou »tentative de l’échec », qui est un spectacle pour les théâtres. Le spectacle raconte en fait le chemin de la révolte. Il part de l’individu pour arriver au collectif. Nous serons cinq sur scène et à la fin du spectacle, finalement on arrive à être ensemble. Ça sera également une grande performance physique et musicale parce qu’on a aussi composé de la musique franco-camerounaise spécialement pour le spectacle. On aura droit à une bonne demi-heure d’un chemin sur fil à grande hauteur.
Interview menée par Fadira Etonde
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