Chaque saison des pluies, Douala, poumon économique du Cameroun, est confrontée à des inondations récurrentes qui paralysent la ville et mettent à mal ses populations et infrastructures. Des quartiers comme Bonaberi, Makepe Missoke, Nkongmondo et bien d’autres se transforment en véritables marécages, laissant des centaines de familles dans la précarité.
Au-delà des caprices climatiques, c’est l’urbanisation sauvage, caractérisée par le remblayage massif des bas-fonds et l’absence de rigoles de drainage, qui est la cause principale de cette catastrophe écologique et humaine.
Les bas-fonds : des alliés naturels en péril
Les bas-fonds connus sous le vocable de zones marécageuses jouent un rôle crucial dans la régulation naturelle des eaux de pluie. Ces zones humides absorbent l’excès d’eau, réduisant les risques d’inondation en période de fortes précipitations. En les remblayant pour des constructions, nous détruisons un écosystème vital, compromettant ainsi la capacité de la ville à gérer les eaux de ruissellement.
Au lieu d’être absorbée naturellement, l’eau s’accumule, débordant dans les quartiers et transformant les routes en cratères.
Le cadre légal bafoué
Malgré l’importance écologique des bas-fonds, leur protection est souvent ignorée, malgré des textes juridiques clairs. La Loi-cadre n°96/12 du 5 août 1996 relative à la gestion de l’environnement stipule que toute action susceptible de modifier l’environnement doit être précédée d’une étude d’impact environnemental. Le Décret n°2005/0577/PM du 23 février 2005, quant à lui, précise les modalités d’évaluation des risques environnementaux, notamment pour les projets touchant les zones humides.
En 2013, le Cameroun a renforcé son engagement à travers la Loi n°2013/003 du 18 avril 2013 sur la gestion durable des zones humides. Ce texte appelle à la préservation des bas-fonds, en reconnaissant leur rôle dans la régulation des eaux et la biodiversité. Pourtant, à Douala, ces lois semblent rester lettre morte, avec des constructions anarchiques qui ne cessent de proliférer dans ces zones sensibles.
L’impact sur les infrastructures et la vie des citoyens
Le manque de rigoles et de canalisations pour évacuer l’eau est un autre problème majeur. Les routes, déjà fragilisées par un trafic intense, se détériorent encore plus sous l’effet des inondations. Chaque averse transforme les artères principales en rivières, rendant la circulation difficile, voire impossible, et isolant certains quartiers. Les dommages aux infrastructures routières coûtent des milliards chaque année, un fardeau économique que la ville pourrait éviter en respectant la planification urbaine et en mettant en œuvre des solutions durables.
L’urgence d’une action concertée
La situation est alarmante, mais pas irréversible. Protéger les bas-fonds et les intégrer dans une stratégie de gestion durable des eaux pourrait grandement réduire les risques d’inondations à Douala.
Le gouvernement, les municipalités et les citoyens doivent œuvrer ensemble pour préserver ces écosystèmes cruciaux, en appliquant strictement les lois existantes et en adoptant une gestion environnementale proactive.
L’urgence environnementale est là. Ne rien faire, c’est condamner Douala à répéter chaque année ce cycle de destruction. Préserver les bas-fonds, aménager des rigoles et investir dans des infrastructures écologiques sont des solutions accessibles, mais cruciales pour sauver la ville de ce fléau.
Anne Stéphanie Ndonko
Juriste d’environnement, Consultante indépendante en Environnement, RSE et Développement Durable;
Présidente de l’association Action pour le Développement Durable (A2D)
Adresse email: anne.stephaniendonko@yahoo.com
Tel: 652141363
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