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Cameroun : la vérité sur l’augmentation des prix du carburant

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Par Louis-Marie Kakdeu

Ce mardi 31 janvier 2023, la méthode de gouvernance par embuscade a été utilisée par le gouvernement pour augmenter les prix à la pompe du carburant. Une augmentation qui tourne globalement autour de 21% (super et gasoil) comme prescrit par le FMI. Une augmentation qui s’est accompagnée de deux mesures sociales insignifiantes et inappropriées à savoir : 5,2% d’augmentation des salaires et environ 11% de proposition d’augmentation du SMIG.
Je crois que le gouvernement camerounais est définitivement entré en brousse et que les éclaircissements suivants méritent d’être mis sur la place publique pour éclairer la lanterne du public :
1. Je voudrais d’abord déconstruire l’argument selon lequel le pays n’avait pas le choix. La structure des prix à la pompe publiée par la CSPH pour la période allant du 1er au 31 janvier 2023 indique bel et bien que le gouvernement camerounais ajoute au prix d’un litre de carburant plus d’une vingtaine de taxes et autres droits connexes qui dépassent largement le soutien de l’État qui se situait à 133,72 FCFA. Cela veut dire qu’en réduisant simplement 2 taxes sur 26 à savoir la taxe spéciale (110 FCFA) et les droits de douanes (24,39 FCFA), le gouvernement n’aurait plus eu besoin de subventionner quoi que ce soit et donc, d’augmenter les prix. Ce n’est qu’un raisonnement de bon sens. La question qui n’a jamais eu de réponse est de savoir pourquoi doit-on surtaxer autant le carburant et prétendre subventionner en même temps. C’est un raisonnement économiquement curieux.
2. Allons-y en détail : le prix d’un litre de Super importé était de 341,75 FCFA le mois passé. Son prix de revient était de 472,08 FCFA parce que le gouvernement avait ajouté 130,33 FCFA de taxes. A ce prix TTC entrée dépôt SCDP de Douala-Bonabéri, le gouvernement avait encore ajouté 218,43 FCFA de taxes divers avant sa mise sur le marché. Le total des taxes ajoutées par le gouvernement était donc de 348,76 FCFA pendant que le soutien de l’État était de 133,72 FCFA seulement. Je veux bien comprendre où se trouvait la subvention. Je constate bien que ce qui reste au trésor public est excédentaire. Il y a pire. Après toutes les opérations fiscales, le prix TTC d’un litre de Super sortie dépôt SCDP de Douala-Bonabéri était de 556,79 FCFA en janvier 2023. A cela, le gouvernement avait ajouté 52,06 FCFA de frais généraux, frais financiers, coulage, bénéfice, amortissement et entretien, livraison-ville, TVA sur livraison-ville. On peut bien se demander pourquoi l’on ne pouvait pas agir sur les frais généraux par exemple pour limiter les coûts. Pire encore, le gouvernement avait ajouté la TVA sur distribution qui se chiffrait à 5,75 FCFA. Tout ce qui échappait à l’Etat était la marge du revendeur qui était de 16 FCFA. Nous comprenons donc qu’il y avait beaucoup de leviers sur lesquels le gouvernement pouvait agir pour s’abstenir de toute augmentation des prix à la pompe. Si la décision était pro-camerounaise bien sûr !
3. La véritable raison de l’entêtement du gouvernement est la présence du FMI qui est le gendarme de la dette. Le gouvernement n’augmente pas les prix parce que le poids de la subvention est intenable comme annoncé. Il augmente parce qu’il faut payer les dettes de l’État. Et c’est le pauvre contribuable qui va payer pour la gestion patrimoniale du pays. La dette du Cameroun est partie d’environ 800 milliards à plus de 12 000 milliards de FCFA en une dizaine d’année. La question peut être de savoir à quoi a servi cet endettement. La réponse est que le gouvernement n’a pas fait des investissements productifs comme requis. Il a par exemple financé des entreprises en faillite pour des raisons électoralistes et clientélistes. Le FMI fixe donc à partir de cette année des objectifs de performance pour ces entreprises publiques qui plombent les finances du pays parce que le gouvernement maintient à leur tête des caciques du régime qui les gèrent avec des logiques villageoises. Nous payons donc le prix de la mauvaise gouvernance.
4. Les mesures sociales annoncées sont insuffisantes parce qu’elles ne permettront pas de couvrir l’augmentation des coûts de production et l’augmentation des coûts du transport qui vont s’en suivre. Il faudra s’attendre à la grève des transporteurs, notamment des taxis, qui ne pourront pas s’en sortir si l’on n’ajuste pas les prix de la course. L’augmentation de 5,2% sur les salaires signifie que l’agent public qui gagnait 100 000 FCFA verra une augmentation de 5200 FCFA sur son salaire. Quelle misère ! Il faudra s’attendre surtout à la mobilisation des syndicats des travailleurs qui exigeaient une augmentation de 30% des salaires afin de rattraper le niveau de 1993. Je reprends : en 2023, l’on n’a toujours pas atteint le niveau des salaires que les Camerounais avaient il y a 30 ans. Quelle régression ! Pire, en 2023, à quoi servira un SMIG de 41850 FCFA qui suffira à peine pour acheter un sac de riz ? C’est une moquerie ! Et au-delà, une provocation ! Un parti politique comme le SDF qui porte depuis les présidentielles de 2018 le projet de l’augmentation du pouvoir d’achat des Camerounais devra se mobiliser avec ses partenaires sociaux pour pousser le gouvernement à aller plus loin en vue d’atteindre le niveau des salaires actuellement pratiqués dans d’autres pays africains du même niveau que le Cameroun. Il s’agit carrément de multiplier les salaires au moins par deux. C’est une question de dignité et de fierté nationale !
5. On nous dira qu’il n’y a pas d’argent : FAUX ! En dehors des chapitres 65 et 94 que tout le monde connaît et qui peut être directement mis à contribution, le plaidoyer de l’honorable Joshua Osih a porté des fruits. L’on vient de créer la Caisse de Dépôt et de Consignation (CDC). C’est comme si le gouvernement n’y croyait pas ! Sinon, pourquoi augmenter les prix du carburant et asphyxier les populations alors que cette seule caisse peut générer à l’immédiat environ 6000 milliards de FCFA à l’État ? Je parle là d’un montant équivalent au budget national ! Pour cela, il suffit simplement de la rendre fonctionnelle ! Pourquoi le gouvernement ne la rendrait-elle pas fonctionnelle ? Pourquoi le gouvernement ne redistribuerait-il pas un peu de cet argent qui dort actuellement dans les poches de quelques individus (intérêts égoïstes) à l’ensemble des travailleurs (intérêt collectif) en augmentant les salaires ?
On constate simplement que notre gouvernement n’est pas sérieux et qu’il est sous l’emprise du FMI. C’est mal parti pour 2023 ! Le citoyen devra dès à présent être sage. Pourquoi ? Parce que l’affaire de vie chère concerne tout le monde. Les réseaux de créature ou de clientélisme ne protègent plus personne ! A nous de voir !

Louis-Marie Kakdeu,
Membre du Shadow Cabinet SDF
Economie, Finances & Commerce.

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