S’il s’agit d’un côté, de respect des règles établies et que de l’autre côté il est fait cas du respect de la procédure, le risque à ne pas prendre, c’est de laisser planer sur le citoyen lambda, l’idée selon laquelle la République a foutu le camp. Le spectacle offert par Me Alice Nkom, avocate au barreau du Cameroun et Paul Atanga Nji, ministre de l’administration territoriale, devrait être perçu comme un véritable enseignement.
Le Cameroun est-il un Etat de droit ? Pour ce questionnement, les réponses seraient aussi diversifiées que les sensibilités des uns et des autres sont nombreuses. Mais « le Cameroun, c’est le Cameroun ». Ce n’aurait été le cas que le spectacle auquel se livrent Me Alice Nkom, avocate au barreau du Cameroun et Paul Atanga Nji, ministre de l’Administration territoriale, ne devrait pas avoir lieu. Sinon, comment comprendre que pour des raisons qui peuvent se comprendre et semblent logiques, le respect des institutions, le respect de la loi, le respect des règles établies, ait foutu le camp ?
Les faits indiquent que le ministre de l’Administration territoriale, s’appuyant sur les informations données par l’Agence nationale d’investigations financières (Anif) au cours de la période allant de 2021 et 2023, serait arrivé à la conclusion selon laquelle cinq associations seraient impliquées dans le blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme en raison de la tolérance administrative. Le membre du gouvernement avait de bonnes raisons pour sévir. «Les terroristes passent par les ONG pour financer leurs activités. Il faut mettre un terme à cette situation». Car pour lui, «les montants reçus par ces ONG ne cadrent pas avec leurs objectifs. Il faut mettre fin à la tolérance administrative. Il est également question de rappeler à ces OSC et ONG qu’il existe un cadre légal encadrant leurs activités», avait laissé comprendre le Minat non sans relever qu’il n’existe aucune donnée chiffrée justifiant l’utilisation des fonds reçus alors que le cadre légal prévoit que ces organisations sont à but non lucratif.
Le problème serait alors né suite à la décision du ministre Atanga Nji interdisant toute activité du Redhac (Réseau des Défenseurs des Droits Humains en Afrique Centrale), et surtout des scellés apposés sur les locaux de l’organisation dirigée par Maximilienne Ngo Mbe. Estimant que cette mesure était illégale, Me Alice Nkom n’a pas hésité à briser ces scellés, indiquant que la décision violait les droits fondamentaux. « Il faut que le Président Paul Biya arrête son ministre de l’administration territoriale s’il veut la paix et s’il veut une année électorale démocratique en 2025 dans le calme », avait lancé la présidente du Conseil d’administration du Redhac. Une réaction aura suffi pour mettre le feu aux poudres.
Ping-pong insensé
Si suite aux déductions du Minat, il a été apposé des scellés à titre conservatoire sur la porte du Redhac, comment comprendre que Me Alice Nkom qui est un exégète de la loi et des procédures, ait décidé de briser ces scellés ? Comment expliquer que suite à la convocation administrative à elle servie par le préfet du département du Wouri, qu’elle réagisse en termes de menaces, insinuant que le préfet cherchait des problèmes : « Aujourd’hui, vous m’adressez une convocation par la chefferie du canton Bell à moins d’une heure de ma présentation à votre cabinet, je crois que vous cherchez les problèmes monsieur le préfet ».
Dans sa réaction, le préfet n’a pas manqué de condamner cette attitude de défiance à l’autorité dans un « Etat de droit », alors qu’il aura suffi à Me Alice Nkom, plutôt que d’aller briser les scellés, d’apporter la preuve du contraire face aux « allégations » du Minat.
Dans sa correspondance n°52/2024/L/C19/SP du 10 décembre 2024, ayant en objet « mise au point », le préfet du Wouri a rappelé à celle qui, femme de loi, sait très bien que les pratiques d’homosexualités sont condamnées par la loi camerounaise, mais s’en est fait la défenseure, et surtout se plait à « défier publiquement et de façon ostentatoire l’autorité de l’Etat dont est délégataire le sous-préfet et en vertu du décret n°2008/377 du 12 novembre 2008 fixant les attributions des chefs de circonscriptions administratives et portant organisation et fonctionnement de leurs services ». Me Alice Nkom oserait-elle prétendre qu’elle n’était pas au courant du texte de loi qui indique qu’en ce qui est des attribution et des avantages attachés aux fonctions de chef traditionnel en son article 20 que ceux-ci sont chargés de transmettre à la population les directives des autorités administratives et s’en assurer l’exécution ?
Si les uns et les autres peuvent s’accrocher sur le fait que les méthodes et le mode d’action de Paul Atanga Nji, sont désuets au regard de l’évolution du monde, notamment en ce qui est du respect des droits et liberté de l’homme, il faut aussi reconnaître que pour faire fonctionner un Etat, il faut savoir frapper du poing sur la table. Faire le distinguo entre la liberté et le libertinage. Autant il revient aux populations de se plier aux lois et règlements établis, autant les autorités ont le devoir de s’assurer et même de participer au plein épanouissement de celles-ci. Ne dit-on pas que tous sont égaux aux yeux de la loi que nul n’est censé l’ignorer !?
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