Par un discours qui semble désormais de mode, François Mitterand, président français d’alors, avait, lors du sommet France Afrique en 1991, sonné le glas du système monopartisan qui avait cours dans les pays africains. Conférences nationales avec ou sans objet, coups d’états civils ou militaires, batailles partisanes ou batailles fratricides pour la succession présidentielle, l’histoire de l’Afrique se résume désormais aux questions électorales et de l’occupant du fauteuil présidentiel.
1- Au commencement était le mandat présidentiel…
La convention de Philadelphie de 1773 qui donne naissance aux États-Unis se donne à l’initiative de George Washington un mandat présidentiel de 4 ans. La République des États Unis était née par distanciation de la monarchie britannique.
Après deux mandats de 4 ans, George Washington, père de l’indépendance américaine sa retira. En effet, il aurait pu briguer un autre mandat (le 3e ou le 4e), mais il décida de se retirer pour faire place. Par respect pour le père de l’indépendance, tous ses successeurs qui faisaient deux mandats se retiraient. Ainsi l’idée de deux mandats entra dans la tradition politique américaine.
Et puis survint Franklin Delanoy Roosevelt. Les États-Unis venaient de subir une effroyable crise économique depuis 1929, ils se trouvaient confronter à la 2e guerre mondiale, F. D. Roosevelt fit 4 mandats. D’ailleurs il ne put aller au bout du 4e, emporté par la maladie. Et les américains inscrivent de manière solennelle dans la constitution la limitation à 2 du mandat présidentiel.
2- la France des monarques et du régime parlementaire : le vrai faux mandat présidentiel
Au commencement de la 5e république, le mandat du président était de 7 ans renouvelables. Le président était élu par le parlement. Le général de Gaulle a seulement introduit le suffrage universel en 1962. Sauf que de De Gaulle à Giscard les choses semblaient aller de soi. L’intermède de Pompidou ne faisant que confirmer la réalité. Et Mitterand, vieux briscard de la politique, arrive en 1981 et fait deux mandats. Malade, il mourra d’ailleurs quelques temps après son départ du pouvoir.
Chirac, autre intrépide arrive à L’Elysée en 1996 et fait un premier mandat de 7 ans et la classe politique française le voit venir pour un second mandat. Alors pour se rallier toute la France politique, Jacques Chirac, lui aussi malade (il souffrait de surdité partielle) engage une réforme constitutionnelle qui ramène le mandat à 5 ans et renouvelable une fois. De plus, il s’engage à se l’appliquer à lui même s’il est réélu. Ainsi après son mandat, il va effectuer un second de 5 ans. Surtout, il met le calendrier électoral en concordance avec le mandat présidentiel. Résultat la cohabitation est devenue un vieux souvenir. La cohabitation des batailles épiques entre son prédécesseur à L’Elysée et lui-même alors premier ministre.
Le mandat présidentiel français est désormais à 5 ans Sarkozy et Hollande sont arrivés et ont fait un mandat chacun. Du coup, le nouveau système semble prouver son efficacité. Sauf que Macron, 40 ans entre dans la danse. À 50 ans, âge à partir duquel on accède à la magistrature suprême pour les vrais politiciens jeunes, il va devoir prendre sa retraite de L’Elysée. Que dire donc des voies qui dans la classe politique française le voient faire un 3e mandat.
3- Et l’Afrique alors !
La question du mandat présidentiel cristallise les enjeux politiques en Afrique. Il n’est pas un seul pays africain où les élections présidentielles n’ont pas donné lieu à contestation.
Les batailles pour le fauteuil présidentiel se soldent généralement à coup de milliers de morts. Côte d’Ivoire, Ouganda, Kenya, Tanzanie n’ont pas fini de cicatriser leurs blessures.
Tout dirigeant est encouragé par ses partisans à s’éterniser au pouvoir quand il ne le fait pas de son propre chef. Cameroun, RCA, Guinée équatoriale, Togo, RD Congo.
Les militaires de leur côté ne manquent jamais l’occasion de tout remettre à plat. Burkina Faso, Mali, Guinée Conakry, Tchad, Algérie, Soudan sont des exemples. Quand ce n’est pas la classe politique qui se livre une bataille pour le fauteuil, Nigeria Zimbabwe, Côte d’Ivoire, Zambie, RD Congo, Cameroun, Sénégal, Niger. Sans parler des luttes fratricides, Gabon, Congo Brazzaville, Guinée équatoriale, Togo par exemple.
4- Le fauteuil présidentiel juge de démocratie en Afrique
Comprendre la démocratie en Afrique revient à déterminer deux choses. Premièrement, le détenteur du poste de président de la République et la longévité au poste. Plus la durée est brève, mieux se donne le certificat de démocratie. L’opposition sénégalaise pourra contrôler toutes les villes du Sénégal avec en tête la ville de Dakar au terme des élections locales, si Macky Sall est président de la République, le Sénégal se verra refuser son certificat de démocratie.
Deuxièmement, la victoire de l’opposition. Si Bola Tinubu succède à Mohamadou Buhari, il y a lieu de douter de la démocratie nigérianne.
5- Ce qu’il faut retenir
– la démocratie n’a jamais développé un pays. L’occident s’est construit sur la traite négrière, le commerce triangulaire, la colonisation et le système monde issu de la 2e guerre mondiale. Les élections n’étant que la reproduction du système dans le rapport entre infrastructures et superstructures selon l’analyse de Karl.
– Macky Sall peut être candidat à la prochaine élection présidentielle ou ne pas l’être si la ville de Dakar manque d’électricité pour faire fonctionner un train urbain qui a coûté des milliards, le certificat de démocratie est nulle.
– Pendant que les Togolais, les Béninois, les Camerounais, les Ivoiriens ou les Angolais lorgnent le fauteuil présidentiel, Bolloré gère tranquillement les actifs des ports et des chemins de fer de la côte ouest-africaine.
– Le Tchad, le Mali, le Burkina Faso peuvent se doter de nouvelles constitutions et institutions dites démocratiques si les mouvements djihadistes demeurent puissants, il y aura toujours un retour à case départ.
– L’Afrique et les dirigeants africains doivent construire un modèle de société qui permette au continent noir de s’inscrire dans une politique de puissance.
La Chine et les dragons d’Asie ne se posent pas la question de la date des prochaines élections législatives, municipales ou présidentielles mais se lancent à la conquête des marchés.
Pendant que des camerounais, des congolais, des sénégalais ou des nigérians vont saccager leurs ambassades ou huer leurs dirigeants à l’étranger, les jeunes chinois, les jeunes vietnamiens, les jeunes coréens font des études en ingénierie et de l’espionnage scientifique pour rentrer le mettre à la disposition de leur pays.
– Pendant que les pays africains se ruent à la recherche des certificats de démocratie délivrés par les occidentaux, les mêmes occidentaux ne s’encombrent pas de commercer avec les pays du golfe arabo-persique dans lesquels le mot démocratie n’a aucune signification.
En effet, pour maintenir l’Afrique sous son joug, l’occident a inventé pour ses élites et des peuples arriérés, le mot démocratie.
Lors du sommet de la Baule, François Mitterand conditionnait l’aide de la France aux pays africains à l’ouverture démocratique. La France a toujours vécu grâce à l’Afrique et le pillage de l’Afrique. L’idée démocratie est le plus de l’asservissement.
Alphonse Bernard Amougou Mbarga, Universitaire
Comments