De tous temps, la culture est un élément essentiel à l’affirmation de l’identité des peuples. La valorisation d’une culture par ceux qui l’ont en partage assure leur authenticité et leur survie, tout comme elle confirme leur fierté à la pérennisation de leur connexion aux sources originelles lointaines dont chaque génération se doit d’être le garant.
Le rôle du cinéma dans nos sociétés
Parmi les canaux privilégiés de valorisation et transmission des cultures et donc des civilisations, le cinéma occupe de nos jours une place de choix. On entend souvent parler du cinéma américain, français et… africain. Mais à quoi renvoie la notion de cinéma spécifique à un pays, un continent ou un peuple? A la spécificité de la portée culturelle des productions cinématographiques. L’idée d’universalisme culturel est un leurre, car exister dans la diversité vaut mieux que s’effacer dans la globalité. Le prétexte fragile de cinéma universel ne tient donc pas la route.
Le cas du cinéma américain
Le cinéma américain est toujours orienté vers la valorisation de la culture américaine, l’American Way of Life. Il met en avant la puissance américaine, réelle ou supposée, qu’elle soit militaire, économique ou scientifique. Le cinéma américain s’adapte en fonction des époques et des contextes géopolitiques, pour vendre le rêve américain. En regardant un film américain, c’est la destination touristique des États-Unis qui est vendue, c’est Coca-Cola, GMC et McDonald’s qui seront mis en avant pour booster les industries américaines, c’est le génie scientifique américain qui sera exacerbé, c’est encore le patriotisme suggéré avec des drapeaux américains à longueur de films dans les bureaux, les écoles et les rues. Pendant la guerre froide par exemple, de 1950 à 1990, l’essentiel des films américains mettaient en avant la rivalité Russo-Americaine, et veillaient à marteler la supériorité des États-Unis sur les plans militaire et scientifique. Cette propagande américaine à travers le cinéma atteste de l’implication explicite de l’industrie du 7e art dans les causes que défend l’establishment américain. Le cinéma américain, instrument par excellence de conditionnement des esprits, s’emploie donc à porter à la face du monde, son idéal sociétal. La plus grande source de puissance américaine n’est ni militaire, ni économique, mais culturelle. La fascination du monde par les États-Unis, c’est grâce au cinéma américain qui a su inculquer aux populations du monde entier, le message subliminal de l’American Way of Life. Conséquence, l’essentiel de l’humanité consomme américain pour se sentir aussi un peu américain, parce que le cinéma de l’oncle Sam a réussi à faire du citoyen américain le modèle humain parfait auquel chaque individu se doit de ressembler. Même les pires défauts de l’Amérique seront perçus comme des vertus qu’il faudra à tout prix copier pour se sentir exister aux yeux d’un monde qui perçoit son idéal à travers le miroir d’Hollywood. Consciemment ou non, on se retrouve à manger, s’habiller, parler, chanter, danser et vivre comme un américain. Nous sommes en fin de compte, qu’on l’accepte ou non, tous des victimes de la propagande américaine dont le canal par excellence est Hollywood et ses œuvres.
Et le cinéma africain alors?
Si je vous demande de me citer un seul film africain, en seriez-vous capables ? Vous me parleriez de quoi? De Nollywood ? Des films sénégalais, sud-africains ou camerounais ? Mais qu’ont-ils donc réellement d’africain ces films? Les acteurs? Les producteurs ? Les réalisateurs ? Mais qu’est-ce qui fait qu’on puisse dire qu’un film est africain? L’équipe de France de football, composée depuis des décennies de plus de 90% d’africains noirs et arabes, est-elle pour autant une équipe africaine ? Assurément non! Pourquoi ? Parce que bien que ce soit essentiellement des noirs qui la composent, ils ne jouent pas pour le compte de l’Afrique, mais pour celui de la France. Quand ils gagnent, l’histoire retiendra que c’est la France et non l’Afrique qui a gagné. Ces joueurs jouent selon le style de l’équipe de France, pour la gloire de la France et portent le drapeau et les valeurs de la France.
Pour le cinéma, c’est la même chose. Quand vous regardez les films et séries télévisées dits « africains », vous vous rendez à l’évidence que, bien que ce soit des acteurs africains, ils ne portent guère les valeurs culturelles africaines. La façon dont ils s’expriment, les accoutrements « esthétiques » que les femmes arborent, les contenus des différentes scènes, les scénarii et même les mimiques, ne sont que de pâles copies des modèles occidentaux dont la culture est par ailleurs maladroitement singée. Ce cinéma d’assimilation servile est tout sauf à l’honneur de l’Afrique. Ces films abusivement qualifiés « d’africains » transpirent le complexe d’infériorité. On essaie, comme on peut, de faire comme les américains, les français ou les anglais, que depuis nos écoles de cinéma, on a érigé en standards, tels des horizons indépassables. Ces prétendus films africains ne sont que le prolongement de l’idéal occidental sur fond d’aliénation culturelle. Et quand ces films prétendent mettre en avant les réalités du Continent, ils ne parlent que de sorcellerie et de misère, ce qui est encore une manifestation patente de soumission au narratif mensonger qui ne sert que les intérêts impérialistes d’un Occident qui se délecte du dénigrement compulsif de l’image de l’Afrique.
Impatiente attente
Tout cinéma se réclamant « africain » doit se poser la question des valeurs qu’il porte et pour quelle finalité. Il doit nécessairement être en phase avec la vision globale de sa communauté et porter les idéaux de société qu’il est censé représenter. En dehors de ce canevas, il ne peut s’agir que d’un cinéma imposteur et dépersonnalisé qui se prostitue en faveur d’un idéal qui n’a rien d’africain.
Il est grand temps que les africains commencent enfin à faire des films africains au sens propre du terme. Des productions qui portent le message d’une Afrique digne à l’identité culturelle originelle assumée, une Afrique fière et décomplexée, culturellement indépendante, débarrassée du mythe de l’Occident et de la fascination honteuse des modèles importés. En somme, un cinéma véritablement africain, pensé par des esprits non seulement créatifs, mais décolonisés.
Quatre, Trois, Deux, Un..
Ça tourne !
Paul Ella
Analyse Financier, Géostratège
Président d’African Revival
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