Décédé le 14 décembre 2022 à l’Hôpital Général de Yaoundé des suites de maladie à 77 ans, Ndong Zacharie a été enterré le samedi 7 janvier 2023 dans son Minkan natal par Mvengue, dans le département de l’Océan, région du Sud. L’inhumation du père de Thierry Ndong Owona, directeur de publication de l’hebdomadaire sous-régional «Intégration» est précédée d’une série de cérémonies traditionnelles et religieuses. Dans le chapitre réservé aux témoignages et hommages, nous vous proposons ci-dessous, l’intégralité du message émouvant prononcé par son successeur.
La mort frappe et tu ouvres la porte ce soir fatidique du 14 décembre 2022. En présence de tes plus proches, tu t’endors éternellement dans ce sommeil comateux qui ne te lâche pas depuis cinq jours. Sur ton lit de malade aux urgences de l’hôpital général de Yaoundé, il est plus de 22h30min, les médecins de garde viennent de confirmer ton départ vers l’au-delà. En larmes et affligés, nous sommes décontenancés. Le baobab de notre forêt est tombé. Mongo ya dzal à sob ya. Les rigueurs de la nuit en cet hôpital, en l’occurrence le froid et les morsures de moustiques ne sont rien à côté de la douleur. Mort, mort, mort, comme tu es sans pitié. Tu finis par prendre le dessus sur Monsieur mon Père dans un combat trépident au cours duquel le coup de grâce vient de la panne momentanée en fourniture d’oxygène pour les malades placés sous assistance respiratoire. Quinze minutes sans oxygène pour un malade en détresse respiratoire, c’est une vie qui s’éteint en doucement. Entre 19h15min et 22h30min, papa est parti en silence, buvant jusqu’à la lie sa troisième transfusion sanguine, en l’espace de trois jours. La dialyse qu’il s’apprête à subir en cette nuit noire ne se fera jamais.
Maladie
De fait, l’anémie sévère compte parmi les maux révélés par les examens médicaux effectués au Cabinet Médical Henry Dunant de la Croix – Rouge Camerounaise, où papa est interné pendant une semaine (du mardi 08 au mardi 13 décembre 2022). Les quatre premiers jours d’hospitalisation dans cet établissement de santé n’annoncent pas une fin tragique. D’ailleurs, l’équipe médicale de cet hôpital suggère à la famille le retour à la maison de son malade au cinquième jour d’hospitalisation. L’offre est irrecevable pour la famille qui trouve son parent encore très fatigué. Le jour d’après, la santé de papa se dégrade rapidement. Ses paroles deviennent inaudibles. Il perd ensuite l’usage de la parole. Enfin il entre dans le coma. Que se passe-t-il ? Qu’est-ce qui arrive à ce malade venu pour quelques jours de soins et de repos ? Le Cabinet Henry Dunant est débordé par la tournure des événements. Le huitième jour, il nous réfère à un autre hôpital d’un calibre plus élevé. Non sans avoir remis les résultats d’un nouvel examen révélant une insuffisance rénale. Le cap est mis sur l’hôpital général. Vous connaissez déjà la fin de ce chapitre.
Parcours
Qui est Ndong Zacharie ? Le fils unique de feu Owona Théodore (Owona Bella) et de feue Tsali Salomé, est né le 4 septembre 1945 à l’hôpital de Nyamfendé, à une dizaine de kilomètres d’ici (Minkan). En rappel, Nyamfendé est habité entre autres par les Enoa, le clan dont est issu sa maman. A Nyamfendé, papa est dans sa famille maternelle. A peine sorti des jupons de sa maman, le petit Zacharie est installé chez son oncle maternel Gaspar Tsala. Papa est l’aîné des petits—enfants dans sa famille maternelle dont il porte le nom du père fondateur, Ndong Zacharie. A peine adolescent, le voilà récupéré par les religieux de la paroisse catholique de Nyamfende. Avec les prêtres blancs de cette paroisse, Ndong Zacharie est à l’école de la complexité de la vie. Il est en même temps élève de l’école catholique, intendant de la paroisse, enfant de chœur, chargé du protocole, chauffeur… Bref, il est l’enfant à tout faire des prêtres. Ce qui lui vaut beaucoup d’admiration de la part de tous les habitants de Nyamfendé des villages riverains. Nous sommes dans les années 1950, c’est-à-dire en pleine période coloniale. Autant le « statut » de papa est admiré, autant il suscite des envies et des jalousies. Une anecdote pour illustrer : revenant en voiture des courses à Lolodorf, l’élève Ndong Zacharie ignore sur le bord du chemin son maître d’école. En salle de classe, l’enfant Zacharie subit les foudres de son maître. Heureusement, l’arbitrage de ses mentors rétablit l’élève dans ses droits.
Après la « formation » chez les prêtres de Nyamfendé, le jeune Zacharie est prêt pour affronter l’aventure toujours incertaine de la vie. Il quitte le bled pour d’autres horizons. A Minkan de ses origines, son géniteur lui propose l’agriculture. Il décline l’offre. C’est le grand saut dans l’inconnu des localités d’Eséka et de Yaoundé. Il y travaille pour le compte d’une cousine très proche maman Calixte. Gestionnaire de boutique et de bar, il expérimente les réalités d’une vie en famille africaine. Pas du tout une sinécure, au point où son retour au village natal est acté par sa famille d’accueil à Yaoundé.
Dans sa détresse à Yaoundé des années post indépendance, un religieux lui tend la main. L’abbé Atangana Zacharie donne sa chance à ce brillant et consciencieux enfant de chœur de la cathédrale Notre Dame des Victoires de Yaoundé. Le clerc émérite lui trouve une place de maître dans l’enseignement des Écoles diocésaines de l’archidiocèse de Yaoundé.
Ses postes d’affectation :
– 04 novembre 1964: École catholique de Nkum Ekyé par Ngoumou ;
– Septembre 1966: École catholique Saint Kisito de Mvog-Mbi à Yaoundé ;
– Septembre 1967: École de Nkol Ewoé à Yaoundé ;
– 20 Septembre 1971: Rupture de contrat avec l’enseignement des Écoles Diocésaine. Parmi les raisons de cette démission, il évoque ce salaire mensuel insuffisant de 6000 FCFA et les retenues sur salaires d’un montant cumulé de 24.000 FCFA. Morceau choisi de la lettre de démission: « Dans toutes les rencontres que les maîtres pouvaient avoir avec Monseigneur l’archevêque Jean Zoa, cette phrase lui revenait toujours aux lèvres quand la question d’argent est soulevée: il y a 1100 maîtres dans les écoles de l’archidiocèse de Yaoundé, si les 1100 maîtres partent tous aujourd’hui, ils seront remplacés le même jour par 1100 nouveaux maîtres, et que celui qui n’est pas content de rester dans l’enseignement privé catholique s’en aille ailleurs. Après avoir mûrement réfléchi à maintes reprises, et comme je ne suis pas content de rester dans la misère, je m’en vais à la recherche d’un nouveau… »
Fonctionnaire des PT
En quittant les écoles diocésaines de l’archidiocèse de Yaoundé, le très prévenant Ndong Zacharie a déjà assuré ses arrières. Il compte dans les effectifs de la fonction publique camerounaise depuis le 18 juin de la même année. A cette date en effet, il est brillamment reçu au concours de recrutement des Commis des Postes et Télécommunications Stagiaire;
– Août 1980: Agent d’exploitation des PT (Moniteur)
– 1991: Contrôleur des PT et enseignant à l’Ecole nationale des Postes et télécommunications.
– 29 juin 2000: Contrôleur Principal des Postes et Télécommunications ;
– 04 septembre 2000: Admis à faire valoir ses droits à la retraite, après une carrière bien remplie dans l’administration publique, dont une très grande partie à l’École des Postes et Télécommunications de Yaoundé, soit 28 ans, 02 mois et 16 jours de service effectif.
Époux et père de famille
– Marié à Bounougou Mekono Louise le 17 février 1973 à Yaoundé. Une Mvog Fouda du village Ottotomo par Ngoumou. Les deux conjoints se sont certainement rencontrés dans ce village qui héberge le frais émoulu enseignant de l’école catholique de Nkum Ekié en novembre 1964. Recommandé par son oncle Fouda Atangana Gothar, il habite chez un retraité, papa Kouo. Son mariage avec Bounougou Mekono Louise est très fécond. Avec à la clé une famille de nombreux enfants et de nombreux petits-enfants. Comment ne pas saluer et remercier cette belle famille Mvog Fouda qui a contribué à bâtir ta légende. Toi le fils unique, tu laisses aujourd’hui un bilan honorable, grâce à l’accompagnement bienveillant de ta belle famille.
Une vie marquée par le service de l’autel dans l’Église catholique romaine. Au final, une vie bien remplie, avec ses hauts et ses bas. Partie de rien, il laisse un empire, je dirai une multinationale prospère, au propre comme au figuré. Son parcours devrait beaucoup enseigner les jeunes générations. Un bel héritage pour certains et un joli leg pour les autres.
Papa, tu auras combattu le bon combat. Nous, tes enfants, sommes fiers de t’avoir eu pour Père. MERCI pour TOUT. Nous continuerons dans le chemin que tu as tracé.
Que nos devanciers et fidèles trépassés t’accueillent. Va, repose en paix.
Thierry Ndong Owona, ton fils
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