Plutôt que de se poser encore la question, il serait judicieux pour les uns et les autres, de se rabattre sur le livre « document » coécrit par Hendricks N. Bile, Thierry Minko’o et Pakito et dont une cérémonie de dédicace a eu lieu le 3 juillet 2024 à Douala en présence d’autres grands noms de la chanson camerounaise.
Certes, il ne s’est pas agi de concert, quand bien même il était question de 100 chansons emblématiques à travers lesquelles l’histoire de la musique camerounaise comprise entre 1950 et 2020, pouvait être racontée. Quand on sait que derrière les succès populaires, il pouvait s’agir de secrets de famille, de la témérité des producteurs, sans oublier ces anecdotes de studio qui pouvaient garnir le travail et ensuite établir une relation quoique complexe, mais effective entre le public camerounais et ses plus grands génies musicaux.
De la justification qui a conduit à la rédaction de ce livre document de 350 pages, des questionnements : A quoi ressemblerait le panthéon de la chanson camerounaise ? Quelles œuvres pourraient, du double point de vue de leur popularité et de leur influence, être retenues comme constitutives de l’imaginaire collectif ? Quels faits, acteurs et circonstance ont nourri l’émergence puis construit l’aura de certains titres à saveur éternelle ? Partant de cette situation inhérente à la démission des anciens et à l’insouciance des jeunes, sans compter le fait que les monuments « créateurs de ces œuvres de l’esprit », passent souvent de vie à trépas dans une certaine insouciance et qu’au moment de les accompagner à leur dernière demeure, on a l’impression « d’un peuple ne célébrant plus ses étoiles qu’au bord du caveau ».
A cet effet, Claudy Siar le préfacier semble détenir la réponse : « Voici longtemps que nombre d’entre nous pestons face au marigot de l’immédiateté. Nous vivons le monde comme si nous n’avons pas de passé et que l’avenir n’a qu’à se présenter pour être considéré. Nous avons trop longtemps oublié de raconter nos histoires, notre Histoire. Cet ouvrage consacré à la musique est avant tout la bande-son d’un pays et de plusieurs générations. Il est le témoignage sonore d’un peuple pluriel et de son éveil à l’universel (…) Il est temps de raconter nos histoires, d’inventorier nos spécificités identitaires afin de les transmettre aux générations suivantes. Notre monde est désormais dominé par la standardisation des musiques. L’Occident gère les plus importants bénéfices de cette marchandisation de la musique. L’Afrique est souvent sa complice en lui abandonnant ses droits d’édition et beaucoup de son âme. » Et de conclure : « Alors, lisez cet ouvrage, des époques où les artistes étaient libres dans leur création et les chansons traduisaient le quotidien des gens. »
On se rendra compte de la pertinence que recèlent ces « 100 chansons emblématiques pour raconter le Cameroun entre 1950 et 2020 ». Tant il est vrai que chaque chanson est une capsule d’émotion, mais aussi un mini-documentaire revêtant l’essence rythmique, la portée thématique mais aussi ceux qui ont joué ou arrangé à l’ombre des studios, ceux qui ont parié leurs ressources de producteurs et ceux qui ont exercé une influence plus ou moins consciente en tant que parent ou ami.
Digeste, les auteurs ont même facilité les choses : c’est « un ouvrage à entrées multiples, le lecteur pouvant attaquer les premières pages et suivre le récit comme un conte au coin du feu. Ou choisir de commencer par le milieu comme pour une carte routière, par la fin pour remonter le temps, ou par n’importe quelle page comme on feuillette un dictionnaire.»
A consommer donc sans modération. A commencer même par les artistes musiciens. Un avis que partage d’ailleurs Marie-Roger Biloa dans son introduction : « Je ne doute pas que les uns et les autres, à commencer par les artistes eux-mêmes, s’empresseront de vérifier si leurs morceaux préférés ou leurs compositions y figurent. » Tout comme il ne se fait aucun doute que ce livre document apportera des réponses à diverses questions posées.
Martin Paul Akono
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