Agé de 30 ans, le Camerounais gère un petit atelier de réparation de ventilateurs au lieu-dit « 45 ans » au quartier Village, situé dans le 3ème arrondissement de la capitale économique.
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Bernard Abwa Yah, le handicapé qui donne un second souffle de vie aux ventilateurs à Douala 

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Agé de 30 ans, le Camerounais gère un petit atelier de réparation de ventilateurs au lieu-dit « 45 ans » au quartier Village, situé dans le 3ème arrondissement de la capitale économique.

A 6h tous les matins, Bernard Abwa Yah quitte son domicile pour se rendre à son atelier situé au lieu-dit « 45 ans » au quartier Village. C’est sur une chaise roulante pédalée avec ses mains qu’il se déplace. Il est svelte, teint noir et de petite taille. Ce 05 mai 2023, Bernard arbore un vêtement de couleur bordeaux, aux allures de gilet de sauvetage noirci par la saleté des ventilateurs qu’il pose sur lui. En dessous, il porte un pantalon qui, autrefois fut marron. Son atelier construit en planches est doté d’un magasin dans lequel il garde les ventilateurs à réparer et son matériel. La véranda lui sert d’espace de travail. A côté, il y a un hangar abandonné, devant lequel se trouve un tas d’ordures. Bernard est entouré de débits de boissons, de tournedos, de boutiques, des braiseuses de maïs et de prunes.

Il exerce cette activité depuis 4 ans. Ce vendredi, nous le trouvons assis sur un banc en bois, réparant le moteur d’un gros ventilateur. Après l’avoir rembobiné la veille, il visse, dévisse et tape sur le carton à moteur (boîte contenant des bobines), à l’aide d’un petit marteau et d’un tournevis. Sur sa table de travail, il y a des têtes de ventilateurs, une caisse à tournevis, testeurs, pinces, bobines de fils, etc. Une boite à graisse utilisée comme lubrifiant sur les ventilateurs et du scotch pour couvrir les fils sectionnés dans le moteur. Pour tester l’appareil, il utilise une ampoule accrochée à un câble. Elle s’allume si le ventilateur fonctionne encore. Coupures de fils et changement des roulements (bagues ovales et épaisses aux allures de billes, responsables de la sortie de l’air du ventilateur), sont les pannes les plus courantes chez lui.

« Bernard L’amour », comme l’appelle affectueusement sa mère depuis ses 8 ans, a la colonne vertébrale déformée. Elle est entrée sur son côté gauche, formant presque la lettre C. Son pied gauche est plus effilé que le droit. Pour lui, son handicap relève de la sorcellerie. « J’ai vite marché et à 8 mois déjà je jouais au ballon avec mes frères. Quelque chose m’a  piqué et je suis tombé. Depuis lors je n’arrive plus à me tenir debout. Dans les hôpitaux, on n’a rien vu. Un ami à mon père, originaire du Nord-ouest nous a dit que ce sont les gens qui m’ont fait ça », raconte-t-il, tout triste.

Malgré sa condition, le trentagénaire n’est pas complexé. Pour lui, le handicap est mental. « C’est bien de se battre par soi-même. Etre handicapé ne veut pas dire que ta vie est finie. Le handicap en fait c’est dans la tête. Si ta tête n’a pas de problème, tu peux travailler et gagner ta vie dans n’importe quel domaine ».

Une activité rentable

Originaire du département du Mbam-et-Kim dans la région du Centre Cameroun, le « médecin » des ventilateurs est le dernier né d’une fratrie de 6 enfants, dont 4 garçons et deux filles. Grace à ce métier, Bernard peut aujourd’hui « manger sans dépendre de quelqu’un ». Fier et amoureux de son métier, il débute ses journées de travail à 7h. Jusqu’à 22h, il gagne entre « 10 000 FCFA, 6000FCFA et 3000 FCFA par jour ». 

Par son sourire et ses actions, Bernard gagne les cœurs de ceux qui le côtoient. Pour Alex NK, son voisin et ami, « Bernard est très dur de caractère mais au fond c’est un ange. Il est parfois agaçant mais aussi très gentil et docile. Il est engagé et très bon travailleur. Pour moi, c’est l’un des handicapés les plus sérieux dans son travail. Il n’est pas envieux et se bat pour obtenir ce qu’il désire. C’est ce qui fait de lui, la légende Bernard ».

Stagiaire depuis 6 mois chez Bernard, Christian Tatsinkou ne tarit pas d’éloges à son égard : « C’est une bonne personne. Il est quelqu’un de très calme et aussi très blagueur. C’est une personne en qui on peut se confier sans crainte. Depuis que je viens ici, il me prend par la main et  m’apprend tout ce que je dois connaître ».

Ambitieux et optimiste, Bernard compte aussi se lancer dans la fabrication des chaussures et se rendre au Gabon, où, affirme-t-il, « la réparation des ventilateurs est plus rentable ».

Fadira Etonde, stagiaire

 

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