Professeur titulaire des universités hors échelles en Science Politique : option Relations internationales et études stratégiques et Directeur du Centre de Recherche d’Etudes Politiques et Stratégiques (Université de Yaoundé II-Soa), Joseph Vincent Ntuda Ebode a présenté le visage de l’enseignement supérieur en Afrique à l’occasion des Journées de l’éducation de l’Université panafricaine les 30 et 31 juillet 2024 au Palais des Congrès de Yaoundé au Cameroun.
Introduction
Le paysage universitaire africain a connu une profonde mutation depuis la fin du XXème siècle. En effet, son évolution entre les années 1960 et 1990, traversées par l’université de première génération (qui eut pour mission de fonder l’état national), et l’université de seconde génération (qui devait développer les états nationaux); montre que les espoirs placés en elle comme incubateur du développement social n’ont pas produit tous les fruits attendus; l’enseignement supérieur étant devenu un luxe que seul un petit nombre de nations pouvaient s’offrir.
Les décennies suivantes vont donc être marquées par des tentatives de revitalisation, d’où l’émergence, à côté des universités publiques, d’un marché de l’enseignement supérieur privé, ayant des liens avec le monde des entreprises et pour horizon la mondialisation (l’université de troisième génération).
En somme, les systèmes d’enseignement supérieurs ont donc été contraints de s’adapter, au risque de devenir des institutions anachroniques. Et dans cette logique l’Agenda 2030 des Nations-Unies et ses objectifs de développement durable, va leur assigner un rôle primordial, en tant que système de production des savoirs et des savoir-faire; et ceci, fondamentalement, en raison du constat fait par le Forum Politique de haut niveau sur le développement durable, tenu à New York en 2019, selon lequel aucun des 17 objectifs de développement durable ne pouvait être réalisé, sans la contribution de l’enseignement supérieur et de la recherche, en tant que socle de création de nouvelles connaissances et d’instruments pour relever les défis mondiaux et éclairer les politiques publiques.
Et pourtant, ce rôle et cette place envisagés pour l’enseignement supérieur africain, par l’Agenda 2063 resteront insuffisamment intégrés dans les systèmes éducatifs nationaux et peu reflétés dans les planifications nationales et les allocations budgétaires. En vérité, les impératifs de politique intérieure ont supplanté et supplante encore la vision africaine de construire une université moderne au service de l’intégration continentale.
Si tout cela reste compréhensible, dans un continent comme le nôtre, ou les Etats et les nations sont toujours en construction, un regard géopolitique synthétique sur cette dynamique nous amène tout de même à déceler les enjeux inhérents au champ universitaire africain et le jeu des Etats dans l’atteinte des objectifs fixés par l’Union Africaine.
Aussi, cette communication montre-t-elle dans sa première partie que, l’université africaine d’aujourd’hui se situe à la croisée des chemins, au regard de la surimposition des valeurs nationales au détriment de la vision panafricaine dans la construction d’une communauté de savoirs au service du développement du continent (I). Et par la suite, qu’à travers l’expérience de l’Université Panafricaine, l’enseignement supérieur, dans une perspective continentale des savoirs et des savoir-faire, participe et consolide l’émergence de l’Afrique, à l’horizon 2063 (II).
Les préférences nationales des universités africaines
Il sera question de voir que les universités africaines ont été créées pour répondre essentiellement aux besoins des communautés nationales (A) et qu’en conséquence, dans la perspective d’une intégration régionale, elles ne parviennent que difficilement à s’adapter aux missions nouvelles fixées par l’Agenda 2063 (B).
Une université au service de la nation
Marquée par l’accession de nombreux Etats à la souveraineté internationale, la décennie 1960 a réactualisé les propos de Dante suivant lesquels, après le pain, l’éducation serait le premier besoin du peuple. En effet, si l’enseignement supérieur était quasi inexistant dans la plupart des Etats africains pré-indépendants, la formation des élites indigènes ayant longtemps consisté à reproduire les valeurs et les manières de penser et de faire de la culture métropolitaine, l’éducation deviendra dans l’Afrique post-indépendance, un enjeu majeur dans l’optique, non seulement d’africaniser ce secteur, mais également dans celle de l’adapter à la demande sociale.
En fait, cette volonté d’africaniser s’est traduite de deux manières : d’abord par une posture de rupture avec le projet colonial. Ici, le débat va porter essentiellement sur la langue en tant que véhicule du savoir à dispenser. L’homme politique et universitaire congolais Jean Pierre Makouta-Mboukou, résumera cette posture de rupture en 1973 en ces termes : « Les nationalistes africains disent un peu partout : A bas la langue française. Car la langue française, c’est l’agent de l’impérialisme par excellence. Il faut lui substituer une ou plusieurs langues africaines », conclura-t-il.
Si aujourd’hui, ce débat parait désuet, il reste que l’appropriation de l’enseignement supérieur par les nouvelles élites africaines a été sous-tendue par des réformes intégrant la nomination des nationaux à la tête des universités et la révision des curricula.
Ensuite, l’africanisation signifie aussi l’assignation à l’université des nouvelles missions. En effet, au-delà de sa mission classique de promotion de la recherche et de production des savoirs, l’université sera également associée au projet politique de construction nationale. Au Mali, par exemple, la loi portant orientation sur l’éducation, dans son article 11, dispose que l’enseignement supérieur vise à former un citoyen patriote et bâtisseur d’une société démocratique, un acteur de développement profondément ancré dans sa culture et ouvert à la civilisation universelle, maîtrisant les savoir-faire populaires et apte à intégrer les connaissances et compétences liées aux progrès scientifiques et techniques et à la technologie moderne.
Si dans l’ensemble, l’enseignement supérieur revêt un caractère de priorité nationale en Afrique, tout en étant arrimé aux impératifs de promotion de la démocratie et du développement, il prend néanmoins un accent particulier dans les pays confrontés aux crises identitaires, à l’instar de l’Afrique Sud post apartheid ou du Cameroun travaillé par sa guerre d’indépendance. Dans ce dernier pays en effet, l’enseignement supérieur porte les idéaux de la construction nationale, en posant d’emblée l’Anglais et le Français comme ses langues officielles, tout en reconnaissant la nature plurielle du pays.
Ainsi, l’article 4 de sa loi d’orientation, précise que l’université est le lieu de promotion du français et de l’anglais comme langues officielles d’enseignement d’égale valeur, mais également le champ d’expérimentation du multiculturalisme en tant que facteur d’unité et d’intégration nationale.
L’enseignement supérieur apparaît donc ici aussi, comme une instance de consolidation de la cohésion sociale, en se constituant comme un rempart contre l’exclusion et la marginalisation. La création des universités, la constitution des curricula, le recrutement des enseignants, ainsi que le recrutement des étudiants doivent refléter ce caractère bilingue et multiculturel de la République.
Une université en marge des objectifs de l’Agenda 2063
Conçu comme outil de participation à la construction nationale et au développement, l’enseignement supérieur s’est peu intéressé à l’intégration continentale. Au contraire, on assistera à un exode massif des étudiants africains vers des universités étrangères.
En 2020 par exemple et selon les chiffres de l’UNESCO, environ 223 000 étudiants provenant d’Afrique subsaharienne étaient scolarisés dans des établissements d’enseignement supérieur situés hors de leur pays d’origine. Dans de nombreux pays, le taux de mobilité vers l’étranger (c’est-à-dire la proportion d’étudiants scolarisés à l’étranger par rapport à ceux qui sont scolarisés dans les établissements nationaux d’enseignement supérieur) était supérieur à 25 %.
C’est le cas du Botswana (49,8 %), du Cap-Vert (91,7 %), des Comores (100,8 %), du Lesotho (45,1 %), du Malawi (29,3%), de Maurice (29,5%), de la Namibie (42,5 %), de Sao Tomé-et-Principe (90,1%) et du Swaziland (53,9 %). Notons ici que les taux les plus bas se trouvent en République démocratique du Congo (1,3 %), en Éthiopie (1,5 %) et en Afrique du Sud (0,7 %).
S’il ne fait point de doute que ces statistiques sont inférieures à celles de l’immédiat post indépendance, il reste qu’en 2008, seul un quart des étudiants mobiles d’Afrique subsaharienne étaient scolarisés dans un autre pays de la même sous région (55 000 sur 223 200). L’Afrique du Sud à elle seule accueillait 21 % des étudiants mobiles issus de pays d’Afrique australe.
Malgré cette tendance toutefois, presque deux tiers (65,1 %) des étudiants mobiles africains étaient scolarisés en Amérique du Nord et en Europe occidentale. Les principales destinations étant la France (20,6 %), les États-Unis (14,2 %), le Royaume-Uni (12,7 %), le Portugal (5,2 %) l’Allemagne (3,8 %), l’Australie (3,1 %, le Canada (2,x3 %) et l’Italie (1, 5 %) pour ne prendre que le cas des pays occidentaux.
Quelles conclusions tirer de ces statistiques? Fondamentalement trois.
* Si l’on constate qu’il y a effectivement une importante mobilité des apprenants, c’est davantage hors du continent africain qu’elle exprime avec le plus de vivacité ;
* Les pays où le nombre d’habitants est faible, à l’instar du Botswana, du Cap-Vert, du Lesotho, du Malawi, de la Namibie et du Swaziland sont ceux qui ont les proportions les plus fortes d’étudiants à l’étranger.
* A contrario, des pays comme la République démocratique du Congo, l’Éthiopie, le Nigéria et l’Afrique du Sud -dotés de populations élevées et de systèmes d’enseignement supérieur bien développés- ont de faibles proportions d’étudiants mobiles.
Toutefois et malgré cet exode massif des étudiants africains vers les universités occidentales, il existe tout de même au niveau sous-regional des mécanismes de sédimentation des savoirs et des savoir-faire; comme le confirme l’existence des dispositions relatives à la coopération régionale et internationale. Ainsi, plusieurs textes fondateurs des systèmes universitaires ont prévu à côté des accords de cotutelle et de mobilisation des étudiants et/ou des enseignants, des instituts universitaires à vocation bilatérale ou multilatérale.
C’est le cas, par exemple, de l’Université Inter-Etats Cameroun-Congo créée en 2012 pour promouvoir la coopération bilatérale entre les deux pays. Il faut aussi noter que l’adoption et le passage effectif au système LMD va renforcer cette mobilité sous-regionale; celle-ci constituant l’essence même et l’originalité majeure du système LMD.
L’université panafricaine: une institution au service de l’intégration continentale
A la différence des institutions nationales, l’Université Panafricaine est par essence supranationale. Elle se situe dans le projet d’intégration des savoirs et des savoir-faire en Afrique (A), et à ce titre, est tournée vers l’atteinte des objectifs fixés par l’Agenda 2063 de l’Union Africaine (B).
L’université panafricaine ; une institution supranationale
L’Université panafricaine a été créée par la Conférence des chefs d’État et de gouvernement de l’Union africaine en sa 15ème session ordinaire en juillet 2010 à Kampala et ses pères fondateurs, conscients du rôle majeur que devait désormais jouer l’enseignement supérieur dans l’intégration sociale, le développement et la compétitivité économique de l’Afrique, lui ont assigné la mission d’être une source permanente d’idées nouvelles ainsi qu’une offre continue de ressources humaines, hautement qualifiées, afin de répondre aux besoins de développement du continent.
Cette vision panafricaine s’inspirait en réalité de deux plans : le Plan d’Action de la 2ème Décennie de l’éducation pour l’Afrique 2006-2015, et le Plan d’action consolidé pour la science et la Technologie 2006-2011. L’Agenda 2063 : l’Afrique que nous voulons, se situera donc dans le sillage de la stratégie de l’Université Panafricaine, en liant l’avenir du continent aux investissements dans les secteurs de l’éducation et de l’enseignement supérieur. En effet, dans son appel à l’action, au paragraphe 72, l’Agenda 2063 appelle à accélérer les actions visant à éradiquer par « un investissement accru dans les capacités productives, afin de développer les connaissances (…), les capacités et les compétences ».
Cet Agenda recommande aussi de construire et développer une société africaine de la connaissance par la transformation et les investissements dans les universités, la science, la technologie, la recherche et l’innovation ; et par l’harmonisation des normes d’éducation et la reconnaissance mutuelle des qualifications universitaires et professionnelles ; la création d’une agence africaine d’accréditation chargée d’élaborer et de contrôler les normes de qualité de l’éducation, en vue d’accroître la mobilité des étudiants et des universitaires sur le continent ; et le renforcement de l’université panafricaine, afin de construire l’université virtuelle panafricaine et accroître le rôle de l’Afrique dans la recherche mondiale, le développement, le transfert de technologies, l’innovation et la production de connaissances ; l’exploitation des universités et de leurs réseaux et autres options pour un enseignement universitaire de haute qualité. Toute chose mise en oeuvre par l’université panafricaine.
L’université panafricaine : une institution au service des objectifs de l’Agenda 2063
La géopolitique de l’enseignement supérieur en Afrique, sa tendance lourde, révèle fondamentalement une dynamique concurrentielle publique/privée des universités aux objectifs souverainistes des Etats se traduisant par une inflation de l’offre universitaire nationale. Ainsi, selon la banque de données mondiale Statista 2022, le top 10 des pays africains abritant le plus grand nombre d’universités se présente comme suit :
Nigeria : 262 universités.
Tunisie : 204 universités.
Maroc : 153 universités.
Kenya : 129 universités.
Afrique du Sud : 123 universités.
Algérie : 104 universités.
L’Éthiopie : 73 universités.
Égypte : 70 universités.
Ghana : 70 universités.
Ouganda : 69 universités
Un double constat découle de ces données : le premier la représentativité sous-régionale est que: si aucun Etat de l’Afrique centrale ne figure dans ce classement, l’Afrique du Nord, représentée par la Tunisie, le Maroc, l’Algérie et l’Egypte a le plus grand nombre d’universités, à savoir 531 sur les 1257 universités répertoriés, soit près de 43%. Elle est suivie par l’Afrique de l’Est (Kenya, Ethiopie et Ouganda); et deux pays de l’Afrique de l’Ouest figurent dans ce classement : le Nigéria et le Ghana.
Le deuxième constat sur la qualité des universités en rapport à leur nombre est que; le fait qu’un pays abrite plus d’universités par rapport à un autre ne signifie pour autant pas que toutes ces universités soient de qualité. À titre d’exemple, en Afrique du Sud, pays qui possède les meilleures universités du continent, le nombre total d’universités équivaut à peine à la moitié de celui d’autres pays comme le Nigeria. Il ne faudrait donc pas confondre le nombre et la qualité.
En quoi l’université panafricaine se distingue -telle? Afin de se positionner comme une institution pouvant répondre aux besoins spécifiques de développement du continent, cette université, modèle originale et conformément aux dispositions permanentes de ses statuts modifiés de janvier 2016, a entrepris de développer sur le continent des programmes de niveau d’excellence mondiale, en science, technologie, innovation, sciences humaines et sociales et en gouvernance.
Sa posture géopolitique qui fonde son originalité dévoile en effet quatre visages. D’abord, le maillage continental. Elle est ainsi dotée d’instituts thématiques situés dans les différentes régions géographiques académiques existantes opérant au niveau du second et du troisième cycle :
en Afrique de l’Ouest, de l’Institut pour Sciences de la Vie et de la Terre y compris l’Agriculture et de la Santé à l’Université d’Ibadan au Nigeria ;
en Afrique de l’Est, de l’Institut pour les Sciences Fondamentales, la Technologie et l’innovation à l’Université Jomo Kenyatta de l’Agriculture et de la Technologie au Kenya ;
en Afrique centrale, de l’Institut pour la Gouvernance, Sciences Humaines et Sociales à l’Université de Yaoundé II au Cameroun ;
en Afrique du Nord, de l’Institut pour les Sciences de l’Energie et de l’Eau (y compris le changement climatique) à l’Université Abou Bekr Belkaid de Tlemcen en Algérie ;
en Afrique Australe, de l’Institut pour les Sciences Spatiales.
Dans son concept originelle, chaque institut devait être lié à dix centres (sorte de département), installés dans dix autres pays du continent. Le but étant à travers ce maillage d’ être présent dans les 55 Etats (soit 5 instituts plus 50 centres); bouclant ainsi tout le continent pour disséminer les connaissances.
Une seconde originalité géopolitique se decline à travers le recours aux différentes langues officielles de l’Union Africaine pour dispenser les enseignements. L’université panafricaine associe ainsi les langues africaines aux langues non africaines et clos de ce fait le débat sur l’impérialisme linguistique des universités africaines de première et seconde génération.
La troisième originalité est qu’à la différence, des premiers panafricanistes qui se rencontraient majoritairement hors d’Afrique, grâce à l’université panafricaine, on pense l’Afrique en Afrique et par les Africains, via une mobilité de masse des apprenants et des enseignants. Mais, sans jamais fermer la porte à la coopération internationale; d’où l’importance et la place des lead thematic partners dans sa doctrines originelles. En effet, Yaoundé avec pour partenaire thématique la Suède, Nairobi avait la Japon, Ibadan avait l’Inde, Tlemcen avait l’Allemagne et le Cap les Etats-Unis.
Enfin, un quatrième visage géopolitique se dévoile au niveau des curricula ou un statut particulier est donné au cours de l’histoire de l’Afrique; en faisant de cette discipline un socle du panafricanisme, l’histoire devant être enseignée dans tous les programmes des cinq Instituts. En fait, l’histoire de l’Afrique comme toute Histoire d’ailleurs nous offre des possibilités illimitées d’apprendre, de désapprendre et de réapprendre en profondeur; tout en encadrant notre imagination sur les futuribles et en renforçant nos identités et nos perceptions plurielles.
Conclusion : défis et perspectives d’un enseignement supérieur au service de l’intégration régionale
Les futurs épistémiques des universités africaines, lus à partir d’une géopolitique opérationnelle, ne peuvent être imaginés que dans les contextes croisés dans lesquels, ou par rapport auxquels, elles exercent leurs fonctions et accomplissent leurs tâches. Il s’agit fondamentalement d’une part du contexte local et de son interface avec l’histoire passée (les héritages) et d’autre part de son interface avec le monde global (l’espace mondial).
L’interface avec le passé tourne autour de l’histoire qui dit aux peuple où ils ont été, ce qu’ils ont été, où ils sont et ce qu’ils sont. Elle dit aussi où ils doivent encore aller et ce qu’ils doivent encore être.
Dans cette perspective, l’université en Afrique, ne peut sous-estimer les influences omniprésentes des héritages coloniaux pluriels et la façon dont elles restent ancrées dans sa structure et son fonctionnement.
En fait, les universités africaines existent aujourd’hui dans le contexte de la mondialisation et opèrent à l’interface des espaces locaux et mondiaux. L’engagement mutuel entre ces deux espaces une reste une nécessité. En ce sens, l’université africaine doit prendre conscience de son insertion africaine dans le monde globalisant sans perdre son âme.
Cela signifie qu’une rupture épistémologique est nécessaire dans la manière dont les deux mondes s’articulent l’un avec l’autre dans le domaine de la connaissance en Afrique. C’est peut-être cela, l’identité de l’université panafricaine en fabrication, telle que je l’ai lue et vécue et servie pendant mon long passage au sommet de certaines de ses instances décisionnaires aux côtés d’autres illustres africains.
Je plaide donc pour cette université panafricaine qui, bien que de caractère international, reste géopolitiquement ancrée dans ses racines historiques, consciente de son « péché originel » en tant que dérivée coloniale, s’efforce d’interrompre l’héritage de la colonisation, s’ouvre à l’introspection et s’engage de manière critique dans le monde global.
Il s’agit en fait d’une heuristique pour désigner une université qui, dans sa mission, ne cherche pas à affirmer les singularités africaines en tant qu’universalité, ni à écraser les singularités au nom de l’uniformité mondiale et n’exacerbe pas non plus la singularité au point de faire corps avec l’isolationnisme (auto-ghettoïsation).
C’est une université qui affirme la singularité par la médiation de l’universel et l’universel par la médiation des singularités.
En somme et pardessus tout, c’est une université qui, dans sa vision, sa mission et ses objectifs ainsi que dans son insertion dans la société, est orientée par les valeurs d’humanisme, de panafricanisme et d’intégrité académique; pour exemplifier l’excellence dans l’espace local, national, sous-régional, continental et mondial. En somme, une université ouverte dans le monde à partir de son terroir. En somme et tout compte fait, dans université, n’y a-t-il pas UNIVERS?
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